Chaque mois, le magazine Histoires pour les petits propose trois histoires variées et adaptées aux enfants de 2 à 6 ans. Ces contes du soir, conçus pour une lecture à haute voix, permettent de transformer le rituel du coucher en un moment tendre, gai et apaisé. Auteurs et parents témoignent ici des bienfaits de raconter une histoire à son enfant avant de dormir le soir.

Propos recueillis par Éloïse Riera.

Lire ensemble : un moment privilégié qui enchante le rituel du coucher

Le facétieux auteur Krocui (à retrouver prochainement dans notre numéro d’été) est adepte, avec ses enfants, de la lecture avant le coucher : « Parce que c’est un moment de partage et de calme après l’excitation et les conflits de la journée. » Moment qu’il savoure pleinement : « En tant qu’auteur-illustrateur, j’ai plaisir à découvrir des livres différents. Je ne suis pas dans l’analyse quand je lis, mais complètement dans le plaisir de la lecture. »
Un plaisir scientifiquement prouvé et approuvé par Lucie Rose, neuropsychologue spécialiste de l’enfance : « Pour parents et enfants, les bienfaits relationnels sont clairs. Après une journée d’efforts, au travail ou à l’école, on choisit une activité plus lente, plus douce, pour faire baisser la pression. » En d’autres termes, pour « se reconnecter après une journée où chacun a vaqué à ses occupations », comme l’exprime l’auteure Pauline Drouin (dont la prochaine histoire courte pour dormir est à lire dans notre numéro de rentrée). Pourquoi pas, par exemple, en lisant, comme le fait Lucie Rose à ses enfants « les livres qui ont rythmé (son) enfance » ?

Un parent lit une histoire à son enfant au moment du coucher, créant un moment de complicité.

Le pouvoir de l’histoire pour les enfants avant de dormir

Notre neuropsychologue rappelle que les bienfaits de l’histoire pour les enfants avant de dormir sont nombreux et documentés par la recherche : « Au premier plan, on trouve une meilleure qualité de sommeil. L’écoute d’une histoire par l’enfant lui offre une transition sereine vers l’endormissement, dans un cadre agréable et sécurisant. »
Propos appuyés par Agnès Cathala, directrice éditoriale de la presse Éveil et Lecture à Milan : « Le rituel de l’histoire du soir, en générant calme, échanges et complicité, positive le coucher. Il crée un sas dédramatisant entre la journée et le sommeil, et nourrit l’imaginaire des enfants. On sait que le cerveau travaille la nuit. Or, les histoires lui donnent matière à réfléchir et à rêver. Enfin, pour ceux dont le quotidien est parfois monopolisé par les écrans, la lecture d’une histoire sur papier, livre ou magazine, permet de se libérer de la lumière bleue, de faire oublier les écrans au moment où ils sont décrits comme les plus nocifs puisque excitants et freinant l’endormissement. »

Histoire tirée de Histoires pour les petits pour lire une histoire du soir avant de dormir
« Le dadou doux » une histoire d’Etienne Archambault illustrée par Amélie Videlo pour Histoires pour les petits n°251

L’histoire du soir ou comment le conte fait grandir les rêves des enfants

Parmi ces bienfaits documentés par la recherche, Lucie Rose évoque que les contes du soir participent « au développement langagier des jeunes enfants : ils apprennent de nouveaux mots, s’habituent au rythme des phrases, et commencent petit à petit à déchiffrer ce qu’ils voient sur la page. »
Un constat partagé par l’auteure Christelle Vallat, collaboratrice de longue date de notre magazine, pour qui l’histoire du soir « est un moment privilégié durant lequel l’enfant écoute, participe et se construit un univers, développe son imaginaire, son vocabulaire et ses compétences cognitives en tissant des liens entre ce qu’il connaît et les informations qu’il reçoit. Il élabore ainsi sa pensée. » Et développe, via les différents types de textes qui lui sont lus, tels que fables, contes de fées, récits de vie quotidienne ou animaliers, à la fois son langage et son imagination.

Un adulte et un enfant rient ensemble en lisant un livre illustré.

Jouer au conteur : le plaisir de partager une petite histoire avant de dormir

Et si finalement, comme le suggère Lucie Rose, la meilleure histoire courte pour dormir était « celle qu’un grand prend plaisir à lire et qu’un petit prend plaisir à écouter, tout simplement ? »
Christelle Vallat se souvient avec douceur de ces moments de lecture suspendus avec ses enfants : « Il était important de lire de manière expressive, en mettant le ton afin qu’ils ressentent les émotions, les sentiments des personnages. C’était un moment d’échange, de discussion, de confidences. »
Agnès Cathala conclut : « Lire ensemble est valorisant pour le parent autant que pour l’enfant. Celui qui lit est toujours un héros pour l’enfant qui l’écoute. Parce qu’il lui accorde de l’attention et parce qu’il se met en scène, redoublant de fantaisie pour incarner une histoire, prendre la grosse voix de l’ours ou chuchoter comme la souris, accompagner sa lecture de gestes emphatiques et de mimiques… Quant à l’enfant, il reçoit avec bonheur ces émotions transmises par l’adulte et médiatisées par l’histoire. On parle de synchronicité des émotions : toute bonne histoire fait ressentir des émotions au même moment, rapproche ses lecteurs et les réunit dans une bulle qui n’appartient qu’à eux. »

À chacun ses rituels et ses souvenirs du conte du soir

  • Pauline Drouin : « Quand nous n’avons pas le temps de lire une histoire, mes enfants me demandent de leur en inventer une dont ils sont le héros. Cela donne lieu à des bribes de récits farfelus… qui me servent de trame pour rédiger une histoire plus élaborée ! »
  • Olivier Daniel (auteur de Il est là le loup, Ella, Histoires pour les petits n°249) : « À la fin de l’histoire, je levais les yeux vers le plafond de la chambre, et je guettais le passage d’un beau rêve. Dès que je le voyais, je l’attrapais avant de le déposer, tout doucement, dans la tête de mes enfants. »
  • Éloïse Riera : « Mes filles choisissent chacune une histoire, qu’on leur raconte chacune leur tour, dans leur lit, avec une lumière tamisée. Après, on parle pour savoir ce qu’elles en ont compris et pensé, on éteint et on fait un gros câlin ! »
  • Krocui : « Mes enfants ont aujourd’hui 9 ans, et nous continuons à leur lire des histoires le soir pendant un quart d’heure : des albums courts, un morceau de roman ou une BD. Ensuite, ils lisent seuls dans leurs lits avant extinction des feux. Je serai un peu triste le jour où ils ne voudront plus de leur histoire. Quand ils étaient plus petits, il m’arrivait de leur lire des livres en anglais : ils répétaient les phrases après moi, c’était hyper drôle ! »
  • Christelle Vallat : « Mes enfants ont 17 et 23 ans. Je ne vous cache pas qu’il arrive encore, le soir, qu’un des deux (ou les deux, le lit est grand !) s’installe à côté de moi pour « bouquiner », comme ils disent. »
  • Agnès Cathala : « C’est un rituel que nous n’avons jamais sacrifié, ni en vacances, ni quand des amis de nos enfants dormaient à la maison. Au contraire, mon fils et ma fille tenaient à ce que leurs copains bénéficient de cette fameuse lecture du soir, comme d’un spectacle extraordinaire. Je garde le souvenir de moments de joie intense, que nous évoquons souvent, avec mes enfants devenus adultes. »