Chaque jour, votre enfant est confronté à diverses émotions qu’il ne comprend pas et n’arrive pas à contrôler. Il a besoin de vous pour les appréhender. Dans ce dossier, Lucie Rose, psychologue, vous donne quelques conseils à appliquer pour aider votre enfant à partager et gérer ses émotions.
Le développement des émotions chez l’enfant
L. R. : « Le chercheur Eckman a mis en évidence six émotions universelles qui se manifestent dès la naissance, à savoir la peur, la colère, la joie, la surprise, la tristesse et le dégoût. Les deux premières années de sa vie, l’enfant les éprouve physiquement, sans réellement les comprendre. Puis, autour de 2-3 ans, il commence à les exprimer… du moins comme il le peut ! Car il n’arrive pas à retranscrire la complexité de ce qu’il ressent, et surtout, il n’a pas encore les moyens cognitifs de se réguler. Contrairement à vous, parents, son cerveau immature ne lui permet pas de gérer ses émotions, et les manifestations de la colère, de la joie ou de la tristesse peuvent alors paraître disproportionnées. Pourtant l’enfant ne le fait pas exprès, il n’a simplement pas la capacité de contrôler et de comprendre ce qu’il se passe. La reconnaissance et la régulation émotionnelle sont un apprentissage de longue haleine qui commence dès l’entrée à la maternelle. Cela demande de la patience, mais il existe de nombreuses stratégies pour l’aider à acquérir ces compétences ! »
Pour permettre à l’enfant de gérer ses émotions, commencer par l’aider à les reconnaître…
-> Partager vos propres sentiments
L. R. : « Même si cela peut vous sembler artificiel, il ne faut pas hésiter à dire ce que vous ressentez et à en détailler les raisons. “Je suis stressé, car j’ai beaucoup de choses à faire au travail” ou “je suis content, parce que j’ai fait une belle balade aujourd’hui”. Les enfants agissent par mimétisme, et prennent exemple sur vos comportements. Ainsi, si vous dites tout haut ce que vous ressentez, votre enfant apprendra lui aussi à s’exprimer, ce qui l’aidera à comprendre ce qu’il se passe dans son corps et dans sa tête ! »
-> Poser des mots et parler du langage corporel
L. R. : « Pour que votre enfant comprenne ses émotions, vous pouvez lui faire remarquer les signes physiques qui se manifestent en fonction de ce qu’il ressent. “Tu trembles parce que tu as peur”, “tu souris parce que tu es heureux”, “tu fronces les sourcils, car tu es en colère”. Pour aller plus loin, vous pouvez même dessiner un bonhomme et demander à l’enfant d’entourer les endroits où les émotions se manifestent. Ce qui est intéressant, c’est que les réponses vont varier. Certains vont dire que la colère est dans les mains parce qu’ils serrent les poings, d’autres que ça leur donne mal à la tête ou au ventre… C’est un exercice très intéressant à faire, et il ne faut pas hésiter à montrer sur quelles parties du corps vos propres émotions se déclarent ! Après ces échanges, vous pouvez trouver ensemble une solution pour relâcher les parties du corps tendues, comme secouer les mains, respirer profondément, ou encore visualiser l’émotion, aller la chercher dans le corps, pour ensuite la mettre dans sa poche ! »
-> Utiliser des outils
L. R. : « Reposez-vous sur des livres, des jeux ou des affiches qui illustrent les émotions et aideront l’enfant à les identifier. Le best-seller La Couleur des émotions, d’Anna Llenas, est vraiment bien réalisé et permet aux petits de classer chaque émotion et de les associer à une couleur… C’est un repère visuel qui permet de bien les appréhender. Mais il y a bien d’autres ouvrages intéressants, tels que Le Livre en colère, Le livre qui a peur, Le Livre amoureux… de Ramadier & Bourgeau, ou Grosse colère, de Mireille d’Allancé, à L’École des loisirs. Ce sont des classiques, mais ils sont toujours aussi pour aider l’enfant à gérer ses émotions ! »
Chaque mois, Toupie aussi vous propose d’aider votre enfant à parler de ses émotions avec Tiloulou :

… puis à les réguler !
-> Être un modèle
L. R. : « Vous pouvez vous sentir un peu démuni et débordé lorsque votre enfant est submergé par une émotion. Pour autant, il est important que vous gardiez votre calme, et que vous donniez l’exemple. Car si vous n’arrivez pas vous-même à réguler vos émotions, votre enfant aura probablement du mal à y parvenir aussi ! »
-> Ne pas en attendre trop
L. R. : « Votre enfant est en plein développement, et son cerveau est loin d’être aussi mature que le vôtre. C’est pourquoi il ne faut pas trop lui en demander lorsque les émotions le submergent. Ajustez vos attentes et soyez réaliste quant à ses capacités, sans quoi vous pouvez générer chez lui un sentiment de confusion ou d’insuffisance. »
-> Valider les émotions sans les minimiser
L. R. : « Il est important de ne pas discréditer les émotions d’un enfant. S’il vous affirme qu’il a peur et qu’il n’arrive pas à dormir, il ne faut pas dire impulsivement : « Mais non, tu n’as pas peur, ferme les yeux et dors. » Il vaut mieux répondre : « Je comprends que tu as peur, moi aussi ça m’arrive, mais ça va aller. » Valider ce que ressent un enfant, ce n’est pas du laxisme, c’est simplement une manière de lui faire comprendre qu’il peut gérer ses émotions, quoi qu’il arrive. »
-> Ne pas stopper l’émotion
L. R. : « S’il est indispensable de parler à l’enfant, il est parfois contreproductif de tenter de le raisonner immédiatement, notamment lorsqu’il est envahi par la colère. Il vaut mieux le laisser décharger la tension de son corps et lui permettre d’aller au bout de son émotion, sans quoi il ne sera pas réceptif à vos propos. Toutefois, dans les moments où discuter ne mène à rien, il est important d’être physiquement présent. Ne laissez jamais un enfant seul et sans câlins lorsqu’il fait face à une émotion débordante. Et si, une fois le calme revenu et après avoir parlé et validé son émotion, votre enfant répète en boucle ce qui ne va pas, vous pouvez, dans ce cas, et si cela fonctionne chez lui, le distraire pour passer à autre chose et sortir de ce cercle vicieux. Mais jamais avant d’en avoir discuté ! »
-> Éviter de punir
L. R. : « Il est parfois tentant, lorsque nous sommes épuisés, d’opter pour la punition. Mais cela n’aide en rien l’enfant à réguler ses émotions… bien au contraire ! Dire à un petit en colère “si tu ne te calmes pas, tu ne pourras pas regarder ton dessin animé préféré” entraîne un rapport de force qui va seulement augmenter son impulsivité. D’autant qu’avec le temps, la punition perd son effet dissuasif et est de moins en moins impactante. Il est donc contreproductif de punir un enfant, mieux vaut discuter avec lui posément ! Et si, malgré tout, l’enfant ne se calme pas, il suffit de formuler les choses différemment. Dans ce cas précis, il vaut mieux dire “lorsque tu te seras un peu calmé, on ira regarder ton dessin animé préféré”, par exemple. Il est toujours plus efficace d’encourager les bons comportements que de réprimer les mauvais ! »
Toutefois, si votre enfant ne parvient pas à gérer ses émotions et que vous vous sentez dépassé par la situation, n’hésitez pas à consulter des professionnels de santé. Ils sauront vous donner les conseils adaptés en fonction de vos besoins et de ceux de votre petit.
Texte écrit par Marie Greco