Héloïse Junier : Il n’est pas forcément nécessaire de croire au père Noël, mais c’est bénéfique pour l’enfant. Ce mythe collectif l’accompagne dans son développement intellectuel et affectif, stimule son imagination, son sens de l’émerveillement, lui inculque les valeurs de partage, de générosité, encourage la patience et l’anticipation du jour J. Il apporte de surcroît un aspect magique au jour de
Noël, dont l’enfant se souviendra avec plaisir quand il sera plus grand. De plus, perpétuer chez son enfant cette croyance traditionnelle revient également à l’inscrire dans une culture, riche de ses codes et de son histoire. C’est une forme de transmission, d’un parent à son enfant.
À quel âge les enfants sont-ils les plus réceptifs ?
H. J. : C’est entre 3 et 6 ans. L’enfant est suffisamment grand pour saisir les spécificités de ce mythe et en même temps suffisamment petit pour y croire. Toutefois, cela n’empêche pas de plonger son enfant, plus jeune, dans ce mythe. À défaut d’en comprendre les tenants et les aboutissants, l’orchestration de ce mythe va susciter chez lui une émotion positive, un ressenti, qui, au fil de son développement psychologique, s’affinera pour devenir une compréhension du scénario : le père Noël, c’est celui qui vole dans le ciel dans un traîneau tiré par des rennes ; le père Noël, c’est aussi celui qui donne des cadeaux aux enfants.
Comment répondre aux questions sans mentir ?
H. J. : Certains parents refusent de perpétuer cette croyance chez leur enfant et en dénoncent justement le caractère mensonger, contraire à leurs mentir à son enfant alors qu’on lui apprend justement à dire la vérité ? » Là est leur cheval de bataille. Toutefois, il ne faut pas oublier que perpétuer un mythe n’est pas mentir ! C’est nourrir une belle croyance. Cultiver la croyance au père Noël chez son enfant revient à lui lire un conte dans lequel une citrouille est changée en carrosse par un coup de baguette magique. Il n’y a donc pas là de mensonge à proprement parler. J’insiste sur ce point, car le terme de mensonge a une connotation négative, alors que je trouve la transmission de cette croyance positive. Si jamais l’enfant pose des questions au sujet du père Noël, c’est qu’il commence déjà à douter, parce que ses capacités de raisonnement et ses connais-
sances se sont développées. De même que ses parents l’ont accompagné dans cette croyance, il leur revient alors de l’accompagner dans cette non-croyance, l’objectif étant de s’assurer que la découverte de la réalité par l’enfant se fasse en douceur, et non de manière brutale. La manière de répondre va dépendre de l’âge de l’enfant. Plus il grandira, plus ses questions gagneront en technicité et en précision.S’il est encore jeune, je conseille aux parents d’entrer dans l’imaginaire, de mettre ces détails irréels sur le compte de la magie, voire de renvoyer l’enfant à sa propre imagination : « Tu sais, Noël, c’est magique, il y a des choses qui ne s’expliquent pas. D’ailleurs, tu me demandes comment le père Noël fait pour voler dans le ciel… Mais toi, qu’en penses-tu ? ». S’il est un peu plus grand, vers 5-6 ans, et qu’il pose des questions bien plus précises, rien ne sert de le maintenir dans la croyance. Dans ce cas, les parents peuvent répondre, de manière vague, que le père Noël existe pour ceux qui y croient. De lui-même, l’enfant se rendra compte du caractère irréaliste de cette histoire. Passé un certain âge, mieux vaut éviter les réponses franches et catégoriques, dans un sens (« Le père Noël existe »), comme dans l’autre (« Il n’existe pas »).
Comment éviter que l’aîné dise tout au plus petit ?
H. J. : Il est parfois nécessaire de sensibiliser l’aîné à l’importance de cette croyance chez les plus petits, et d’établir avec lui une sorte de pacte, une alliance, qui vous lie lui et vous. Sensibilisez-le à la douceur de croire encore au père Noël, à la magie que cela apporte : « Toi, tu es grand à présent, tu n’y crois plus. Mais rappelle-toi à quel point tu aimais attendre le père Noël durant la nuit du 24 au 25 décembre ! À présent, c’est au tour de ton petit frère d’y croire, pendant un temps ».
Et si Noël n’est vraiment pas notre tasse de thé ?
H. J. : Si les parents ne fêtent pas Noël pour une raison qui leur appartient (culturelle, religieuse ou autre), aucun souci ! Qu’importe si l’enfant croit au lion qui parle ou au père Noël qui vole dans son traîneau. L’important est que l’environnement de l’enfant soit parfois baigné dans l’imaginaire, quel qu’il soit ! Perpétuer une croyance traditionnelle, c’est, comme je le disais précédemment, une forme de transmission du parent à son enfant. Ainsi, si le parent n’est pas à l’aise avec cette question ou ne le souhaite tout simplement pas, mieux vaut s’abstenir et nourrir autrement l’imaginaire de son enfant.
Propos recueillis par Paule Battault
ENCADRE 1
Héloïse Junier est également journaliste indépendante spécialisée en psychologie. Voici l’adresse de son blog : http://hjunier.wordpress.com/
ENCADRE 2
Et vous, comment parlez-vous du père Noël à votre enfant ?
Sophie, maman de 2 garçons de 3 et 6 ans.
« Mes enfants croient à la Petite Souris, à Monsieur Silence, au Marchand de Sable, aux lapins de Pâques, etc. Et tous ces personnages vivent tous ensemble dans une grande maison avec le père Noël ! »
Charlotte, maman d’un garçon de 8 ans.
« J’ai raconté à mon fils que le père Noël ne faisait des cadeaux qu’aux enfants. Du coup, il a très vite commencé à bricoler des petits cadeaux pour ses grands-parents et ses oncles et tantes. »
François, papa d’un garçon de 7 ans et d’une fille de 5 ans.
« Nous avons expliqué aux enfants que le père Noël n’apportait qu’un cadeau à chaque enfant, les autres cadeaux venant de la famille. Cela permet de remercier tout le monde. »