Harry Ifergan est psychologue et psychanalyste, spécialiste du développement de l’enfant. Il est l’auteur de Mieux comprendre votre enfant (Marabout, 15 €), livre pratique dans lequel il apporte des réponses claires aux questions les plus fréquentes des parents.

Qu’est-ce qu’un « objet transitionnel » ? À quoi sert-il ?

Harry Ifergan : Ce terme a été inventé par le psychanalyste Donald Winnicott, dans les années 1950, pour désigner le doudou. Ce petit objet paraît dérisoire, mais il est en fait essentiel dès que l’enfant connaît l’angoisse dite « du 8e mois ». Il s’agit d’une période de la vie du bébé où celui-ci comprend qu’il ne fait pas qu’un avec sa mère comme il le pensait jusque-là et qu’il peut, de fait, être séparé d’elle. Il a alors terriblement peur que sa maman ne revienne jamais si elle s’éloigne. C’est à ce moment-là que le bébé adopte fréquemment un doudou. Présent surtout quand Maman n’est pas là, il lui permet de calmer son angoisse et de mieux supporter la séparation. Il sert d’intermédiaire entre le monde intérieur du bébé (composé de lui et sa mère) et la réalité extérieure, et l’aide donc à faire la « transition » entre les deux.

Comment un enfant choisit-il son objet transitionnel ?

Harry Ifergan : On ne sait pas vraiment pourquoi un bébé jette son dévolu sur un objet plutôt qu’un autre. Il suffit que telle peluche ait des petits yeux et un sourire qui lui plaisent et qui lui permettent de s’identifier, que tel nounours soit doux, dur, rêche, qu’il ait une certaine odeur, une étiquette particulière… C’est imprévisible ! Certains parents choisissent un doudou pour leur bébé mais, en réalité, l’enfant est indépendant. Il peut très bien détourner un lange pour en faire son doudou et délaisser la peluche choisie par ses parents.

Un enfant peut-il avoir son doudou toujours avec lui ?

Harry Ifergan : Non. Je conseille d’inciter son enfant à ne pas utiliser son doudou tout le temps. Mieux vaut que l’objet transitionnel serve seulement la nuit, lors des séparations avec les parents (chez la nounou, à la crèche, etc.) et quand l’enfant a besoin d’être consolé, chez lui, en journée. Le doudou peut alors l’apaiser. Mais si l’enfant l’a toujours avec lui, il peut penser que ce doudou est toujours utile, voire indispensable : il en déduit que sa maman est susceptible de partir à tout moment, ce qui peut provoquer une angoisse permanente chez lui. Paradoxalement, le doudou produirait l’effet inverse de celui qui est attendu…

Certains enfants se passent de doudou, pourquoi ?

Harry Ifergan : 75 % des enfants ont un doudou mais cela ne veut pas dire que ceux qui n’en ont pas vont mal. Il est possible qu’un bébé qui n’a pas eu à vivre beaucoup de séparations avec sa mère n’ait pas besoin d’un objet transitionnel. Il se peut également que le bébé ait un objet transitionnel qui ne soit pas « prenable » : une voix, des chansons, de la musique, par exemple… Il peut aussi s’agir d’un point qu’il observe dans sa chambre ou d’une lumière rassurante. Par ailleurs, il peut arriver qu’un enfant soit suffisamment sûr que sa mère tient à lui et qu’elle va toujours revenir pour qu’il se passe d’un objet transitionnel.

Peut-on laver un doudou ?

Harry Ifergan : Oui, avec une lessive hypoallergénique. Attention à ne pas attendre trop longtemps avant le premier lavage. Les enfants s’attachent à l’odeur de leur doudou et il vaut mieux les habituer, dès leurs premiers mois, à la perdre de temps en temps, et ce pour une raison hygiénique, tout simplement.

À quel âge un enfant n’a-t-il plus besoin de doudou ?

Harry Ifergan : Cela varie ! En général, un enfant utilise moins son doudou à partir de 5 ou 6 ans. Souvent, il s’en sépare vraiment vers 8 ou 9 ans, quand il est bien socialisé et que des copains entrent souvent dans sa chambre. C’est ce que l’on appelle « l’âge de raison ». À cet âge, il a complètement intégré l’idée qu’il peut se séparer de ses parents sans qu’il n’arrive rien. Il peut garder son doudou dans son lit ou lui réserver une place dans un placard. Il ne faut jamais le jeter ou le donner : le doudou a participé à la construction psychique de l’enfant et, à ce titre, il reste toujours précieux.

Que faire si l’on perd le doudou ?

Harry Ifergan : Je déconseille d’acheter plusieurs exemplaires dans le but de le remplacer en cas de perte. Toute expérience dans la vie d’un enfant, tant qu’elle n’est pas violente, est intéressante à vivre. La perte d’un doudou est certes difficile mais cela permet à l’enfant de se préparer aux autres pertes qu’il connaîtra forcément, un jour, dans sa vie future. Il faut qu’il comprenne que ce n’est « qu’un bout de lui » qui est perdu, et non pas « lui tout entier ». Puis, il faudra passer à autre chose. Mieux vaut ne pas remplacer immédiatement le doudou par un autre. Pendant une semaine ou deux, les parents peuvent consoler l’enfant, le laisser exprimer sa tristesse, l’aider à verbaliser cette perte, puis, petit à petit, réintroduire un nouvel objet transitionnel… s’il le désire.

Tétine et pouce : d’autres sources d’apaisement

Souvent, le doudou n’est pas suffisant pour consoler bébé : il lui faut aussi sa tétine ou son pouce à sucer. Contrairement au doudou, il ne s’agit pas d’objets transitionnels. « Ils n’ont pas la même valeur ni la même fonction, explique en effet Harry Ifergan. La succion est un besoin primaire, un réflexe naturel, vital, qui apparaît dès les premières secondes de vie du bébé et qui lui apporte un bien-être physique. » Le besoin d’un objet transitionnel est plus élaboré psychologiquement parlant et arrive bien plus tard…

Rédigé par Elise Rengot

Cet article fait partie du dossier Les guides indispensables pour une rentrée réussie