Parents sous influenceEst-on condamné à reproduire l’éducation reçue de ses parents ? Telle est la question que soulève Cécile David-Weill dans Parents sous influence : un livre dans lequel elle montre à quel point notre enfance imprègne nos choix éducatifs et nos comportements à l’égard de nos propres enfants. Sa réponse est nuancée et optimiste : certes nous sommes tous influencés par l’éducation que nous avons reçue, mais ce n’est pas une fatalité !

 

En quoi notre enfance influence-t-elle notre comportement de parents ?

Cécile David-Weill : Pendant l’enfance, nos parents sont comme de grands géants qui ont toute-puissance sur nous. Par l’éducation qu’ils nous donnent, les valeurs qu’ils nous transmettent, la relation qu’ils tissent avec nous, ils nous forgent et font de nous les adultes que nous sommes. Il est communément admis que ce que l’on vit pendant l’enfance joue, plus tard, un rôle dans notre vie amoureuse ou dans nos choix professionnels. En revanche, il est moins souvent reconnu que cela détermine aussi notre façon d’être parents, probablement parce que l’éducation des enfants est un domaine où chacun a particulièrement envie d’exercer son libre-arbitre. Pourtant, cette influence est forte dans ce domaine ! Elle nous réduit généralement soit à faire comme nos parents, soit à faire exactement l’inverse, consciemment ou non.

 

Est-ce un problème ?

C D.–W. : Oui, dès lors que cette influence nous conduit à faire des choix éducatifs qui ne sont pas pleinement réfléchis ! Face à nos enfants, elle peut nous faire avoir des réactions qui en disent beaucoup sur nous et notre passé, mais qui ne sont pas forcément bien adaptées. En d’autres termes, elle nous amène à plaquer artificiellement des principes éducatifs venus d’une autre réalité, alors qu’en fait chaque enfant a besoin d’une éducation sur mesure et rationalisée. Ça ne peut pas fonctionner ! J’ai l’exemple d’une dame qui criait sur ses enfants chaque fois qu’ils chahutaient un peu à l’arrière de la voiture. Dans le système de valeurs qu’elle leur inculquait par ailleurs, rien ne pouvait leur donner le sentiment de faire quelque chose de mal. La maman se culpabilisait de se mettre en colère pour si peu et les enfants continuaient à chahuter malgré tout. Cette dame s’est ensuite rendu compte que son comportement était en lien avec l’attitude de son propre père, qui lui-même se fâchait quand elle faisait du bruit dans la voiture avec son frère.

 

Comment échapper à cette influence ?

C D.–W.: D’une manière générale, il faut se méfier des premières impressions et des premières réactions. Elles ne sont pas forcément mauvaises, mais il est bon de prendre le temps de les examiner et de se demander si elles correspondent à ce que l’on veut vraiment. Il faut se poser régulièrement la question : « Est-ce que quelque chose, dans mon enfance, pourrait expliquer tel comportement instinctif que j’ai eu auprès de mon enfant ? » Cela demande un travail d’introspection, qui peut se faire en échangeant avec son conjoint ou des amis en qui l’on a confiance. Ce travail permet d’évaluer et de hiérarchiser les demandes que nous formulons auprès de nos enfants : d’un côté, il y a celles qui sont réfléchies et qui correspondent à des valeurs que l’on veut transmettre et, de l’autre côté, il y a celles qui découlent de notre passé et qui ne sont pas très rationnelles. Il est important de sélectionner et de limiter nos exigences : notre autorité a tellement de force sur nos enfants qu’elle pourrait facilement les écraser. Utilisons-la peu, mais bien ! Par exemple, on peut être intraitable avec son enfant concernant le respect des autres et, par ailleurs, ne pas insister pour qu’il mange à tout prix des épinards. Bien sûr qu’il serait souhaitable qu’il en mange… mais, au fond, ce n’est probablement pas la « valeur » la plus importante qu’un parent voudrait transmettre !

 

Peut-on vraiment réussir, un jour, à se libérer de cette influence ?

C D.–W. : Pas vraiment… En tout cas, on n’y échappe pas une bonne fois pour toutes. Il faut y prendre garde à chaque occasion et, malgré tout, cela ne fonctionne pas toujours… mais ce n’est pas si grave ! L’important est surtout de prendre conscience qu’elle existe. Quand on se rend compte que l’on a agi de façon irrationnelle – que l’on a élevé la voix alors que l’enfant n’y était pour rien par exemple – il faut simplement le reconnaître et lui présenter ses excuses. Cela révolutionne la relation ! L’enfant comprend que, même si ses parents ne sont pas idéaux, ils agissent pour lui, avec le cœur. Il s’en trouve plus apaisé, quel que soit son âge.

 

Pourquoi avoir écrit Parents sous influence ?

C D.–W. : Pour rassurer les parents et partager avec eux mon expérience et mes recherches ! J’ai voulu montrer qu’aucun parent n’est parfait, que ce n’est pas de leur faute et que nous pouvons nous améliorer même si nos propres parents n’ont pas toujours donné l’exemple ! Pour cela, on peut simplement laisser nos enfants nous souffler ce dont ils ont besoin, et instaurer une relation de confiance avec eux, sans chercher à se conformer à un modèle. Si cette expérience peut servir à d’autres parents, j’en serais heureuse !

Cécile David-Weill

 

Cécile David-Weill est journaliste et romancière. Elle est l’auteure de Parents sous influence (Odile Jacob), ouvrage dans lequel elle livre ses réflexions sur l’éducation, mêlant ses recherches et son expérience de mère et de grand-mère.