Quand son petit monde ne tourne pas comme il le souhaite, votre enfant se met en colère et il le montre ! Agitation, cris, larmes… la crise éclate et vous pose question. D’où vient cette colère ? Pourquoi s’est-elle déclenchée ? Comment réagir ? Le psychologue Didier Pleux, spécialiste de l’enfant, nous répond.
Didier Pleux est docteur en psychologie du développement. Il a écrit de nombreux ouvrages sur l’éducation des enfants, dont Les 10 Commandements du bon sens éducatif (Odile Jacob). Dans ce livre, il donne de précieux conseils aux parents pour agir en amont sur les colères de leur enfant et pour l’accompagner dans ses émotions.
Qu’est-ce que la colère chez l’enfant ?
Didier Pleux : C’est une émotion qu’il ressent principalement lorsqu’il est frustré. Elle se traduit généralement par des cris, des pleurs, des gros mots, voire des tentatives de pincer, de mordre ou d’agresser. Cela peut aller jusqu’à se rouler par terre pour les plus jeunes ! Les parents ont parfois tendance à croire que ces colères doivent s’analyser de manière globale, comme l’expression indirecte d’une angoisse enfouie ou d’un mal-être profond. Certes, il peut arriver que la colère soit « symbolique » et qu’elle témoigne d’une blessure affective ou d’une carence de l’enfant. Mais c’est rare ! La plupart du temps, une colère d’enfant est à comprendre dans son contexte ponctuel, comme un signe d’intolérance à une frustration.
Pourquoi certains enfants sont-ils plus colériques que d’autres ?
Didier Pleux : Au départ, c’est une simple question de tempérament. Tous les enfants piquent des colères parfois, quand la réalité ne répond pas à leurs attentes, mais certains plus facilement que d’autres. Le comportement des parents peut avoir une influence. S’ils répondent toujours immédiatement aux demandes de leur enfant, par exemple, ils renforcent sans le savoir son comportement d’exigence. S’ils le survalorisent en lui répétant souvent qu’il est le plus beau et le plus fort, il aura tendance à se mettre en colère lorsqu’il ne sera pas mis en avant. S’ils le stimulent trop en lui proposant sans cesse des activités, il se fâchera facilement lorsqu’il n’y aura aucun adulte pour jouer avec lui.
Peut-on « adoucir » le caractère colérique d’un enfant ?
Didier Pleux : Oui ! Les enfants particulièrement colériques ont besoin d’un rythme de vie très régulier et de plus de sommeil que les autres : cela les aide à devenir plus calmes. Il faut aussi faire preuve d’un peu d’autorité en amont pour éviter les grosses colères. Les parents peuvent établir un petit code familial, pour que l’enfant sache quelles sont les règles à respecter à la maison et ce qui va lui arriver s’il désobéit. Il s’agit de lui faire comprendre que ses parents ne sont pas à sa disposition et qu’il doit parfois accepter les contraintes, le rien et l’ennui. Les enfants les plus colériques sont souvent ceux dont les parents n’ont pas exercé cette autorité en amont.
Comment réagir en pleine crise ?
Didier Pleux : Bannissez les cris, les douches froides et les fessées ! Les parents doivent essayer de ne pas se fâcher eux-mêmes pendant la crise, sinon ils donnent l’impression à l’enfant que la colère est un moyen de communication normal et l’enfant les imitera. En cas de grosse colère, on isole l’enfant dans sa chambre un petit moment en lui expliquant qu’on revient dans une minute et qu’il devra être calmé. S’il ne l’est pas, on revient plus tard. Il ne faut pas laisser l’enfant crier ou se rouler par terre : il doit apprendre à se maîtriser. On sait maintenant qu’exprimer trop fort sa colère n’est pas une bonne réponse émotionnelle. C’est un tsunami physiologique mauvais pour la santé. D’ailleurs, les adultes les plus colériques sont aussi souvent les plus sensibles aux problèmes cardiaques !
Les parents peuvent-ils céder de temps en temps ?
Didier Pleux : Non, ce serait acheter une fausse paix sociale ! Après, l’enfant connaît la recette. Il sait qu’il maîtrise son environnement avec ses colères et il adopte alors un comportement « coercitif » à l’égard de ses parents. On ne cède donc jamais face à un enfant en colère ! De toute façon, pour se construire, il a besoin à la fois d’amour et de frustration. Les parents doivent trouver le bon équilibre entre les deux : ils doivent bien sûr être dans le respect, l’écoute et l’affection, mais aussi parfois se montrer un peu conflictuels, quitte à ce que l’enfant se mette en colère ! Il s’agit de le confronter à une réalité non pas trop difficile mais juste un peu frustrante, afin qu’il intègre le fait que l’autre existe. Cela doit commencer dès la toute petite enfance, sinon l’enfant ne comprendra pas pourquoi sa « toute-puissance » s’arrête lors de son entrée en maternelle et il aura plus de mal à accepter les contraintes de l’école.
Un enfant colérique annonce-t-il forcément un ado difficile ?
Didier Pleux : Si sa colère est régulée pendant l’enfance, non ! En revanche, un enfant qui n’est pas arrêté dans son intolérance à la frustration risque de devenir un enfant–roi, puis un ado-roi. Les adolescents « en crise » sont ceux qui n’acceptent pas les contraintes du collège, les profs, le travail, les chagrins d’amour, les frustrations de la vie, et qui n’arrivent pas à gérer leur colère. Cela se travaille en amont, dans l’enfance, avec les parents. Par la suite, c’est plus difficile… mais pas impossible !