Être parent, c’est être inquiet : motricité, langage, et si tout ne se passait pas comme prévu ? Sur les forums, les questions fusent : « Mon bébé ne se retourne pas à 6 mois, est-ce normal ? » « Mon bébé de 18 mois ne parle pas, dois-je m’inquiéter ? » Et c’est la valse des commentaires : « Ah bon ? pourtant le mien disait déjà 30 mots à 15 mois ! » Loin de vouloir entrer dans ce jeu, notre dossier du mois aborde un sujet difficile : le dépistage de l’autisme. Psychologue au Centre de ressources autisme, Céline Jacob-Grosmaitre fait le point sur cette pathologie de mieux en mieux connue, dépistée et accompagnée. Parents, ce dossier a été conçu pour vous informer, rappelons que chaque enfant se développe différemment et à son rythme. Et s’il faut retenir un conseil : en cas de doute, préférez toujours consulter un médecin plutôt qu’un forum…

 

Qu’est-ce que l’autisme ?

Céline Jacob-Grosmaitre : Pendant longtemps, en France, on a cru que l’autisme était un trouble psycho-affectif causé par des carences dans la relation mère-enfant. Aujourd’hui, on sait que c’est faux ! L’autisme est un trouble du neuro-développement, qui se développe pendant la période fœtale. Dès sa naissance, le bébé atteint d’autisme a un cerveau qui ne traite pas l’information de la même manière que les autres. Cette pathologie commence à se manifester dans les premières années du tout-petit. Elle se traduit par des comportements répétitifs, stéréotypés, et des particularités dans la communication sociale. Par exemple, il peut y avoir une absence de langage, mais pas toujours. Certaines personnes autistes parlent très bien, mais ne regardent pas leurs interlocuteurs, ont une intonation monocorde, un visage et un corps figés, etc. La coexistence de ces deux types de symptômes permet de diagnostiquer l’autisme, mais ce n’est pas facile car ils peuvent s’exprimer de façons très différentes selon les personnes.

 


1%

C’est la part estimée de la population française actuellement touchée par un trouble du spectre autistique. Un chiffre en hausse…


 

Quelles sont les causes de cette pathologie ?

C. J.-G. : À ce sujet, les spécialistes formulent beaucoup d’hypothèses mais ont, pour l’instant, peu de certitudes. L’origine de l’autisme est probablement à chercher sur les terrains de la génétique et de l’environnement. En effet, on sait qu’une maman qui a, dans sa famille, des personnes présentant des troubles de neuro-développement (autisme, dyslexie, TDH…) aura plus de risque d’avoir un bébé atteint d’un trouble du spectre autistique (TSA). Le risque est multiplié si elle est exposée, pendant sa grossesse, à certains facteurs environnementaux, par exemple des médicaments tels que la Dépakine.

 

À partir de quel âge l’autisme peut-il être diagnostiqué ?

C. J.-G. : Quand l’autisme est détecté (ce qui n’est pas toujours le cas), le diagnostic est généralement posé dans les premières années de l’enfant, voire plus tard si le trouble est léger et n’est pas associé à une déficience intellectuelle. Toutefois, en 2018, la Haute Autorité de santé a émis de nouvelles recommandations afin de rendre le dépistage de l’autisme plus précoce. Il est en effet possible de repérer des « marqueurs d’inquiétude » dès 9 ou 12 mois. Il s’agit alors d’identifier certains éléments à risque dans le comportement du bébé : des temps de fixation oculaire incorrects, des mouvements atypiques des mains et des pieds… Avant 3 ans, on ne pose pas toujours de diagnostic définitif car, en grandissant, les enfants présentant ces marqueurs d’inquiétude ne se révèlent pas tous autistes. Ils peuvent avoir d’autres troubles du développement…

 


Les signes d’alerte selon la Haute Autorité de santé

– Absence de babillage, de pointage du doigt et d’autres gestes sociaux pour communiquer (faire coucou, dire au revoir, etc.) après l’âge d’1 an ;

– Absence de mots après 18 mois ;

– Pas de sourires partagés, de regards adressés, ni de réaction au prénom après 18 mois ;

– Absence d’association de mots après 2 ans ;

– Particularités de développement concernant le niveau de vigilance, le sommeil, la diversification alimentaire, la régulation des émotions, le développement moteur…


 

À quoi sert ce dépistage précoce ?

C. J.-G. : Il permet de proposer rapidement un accompagnement adapté. C’est important, car si le cerveau est plastique toute la vie il l’est encore davantage chez le bébé. Ainsi, si on parvient à dépister très tôt qu’il y a une particularité de développement chez l’enfant (sans forcément diagnostiquer l’autisme de façon précise), on peut proposer une prise en charge précoce et donc d’autant plus efficace. En jouant sur la plasticité cérébrale du bébé, il est plus facile d’infléchir sa « trajectoire » et de limiter ses handicaps dans sa vie future.

 

En quoi consiste cet accompagnement ?

C. J.-G. : L’objectif de l’accompagnement précoce est de mettre l’accent sur le développement de la communication.Le tout-petit suit deux à trois séances d’orthophonie par semaine, pour travailler les précurseurs du langage et la communication. Certains bénéficient d’un accompagnement dans une unité spécialisée, où ils seront accompagnés par un psychologue, parfois jusqu’à 12 heures par semaine, pour développer les interactions sociales. Par le biais du jeu, le psychologue va chercher à encourager et renforcer toutes les tentatives de communication de l’enfant. Les parents sont présents lors des séances, pour qu’ils puissent échanger avec le psychologue et voir comment il interagit avec leur bébé, afin de pouvoir poursuivre ce type d’accompagnement tout au long de la journée.

 

Peut-on guérir de l’autisme ?

C. J.-G. : Malheureusement, non. Mais, avec un bon suivi, des progrès sont toujours possibles. Une prise en charge précoce apporte beaucoup de bénéfices : elle favorise le développement global de l’intelligence et des capacités socio-adaptatives des enfants atteints de TSA. Si certains ont une déficience intellectuelle sévère et doivent vivre en institution, d’autres sont tout à fait capables d’aller à l’école, avec quelques aménagements. En tant que psychologue, je suis des adultes autistes qui sont mariés, qui ont des enfants, un travail et qui vont très bien !

Que faire en cas d’inquiétude des parents ?

C. J.-G. : Si les parents ont un doute, je leur conseille d’en parler à leur pédiatre. Si celui-ci n’est pas formé au dépistage précoce de l’autisme, il est possible de contacter les professionnels des PMI, souvent très qualifiés pour cela. Les parents peuvent aussi solliciter le CRA de leur région, pour obtenir des informations, des contacts et du soutien.


Dossier réalisé par Élise Rengot

Illustration : © Laurent Simon