Finies les vacances… c’est déjà la rentrée ! À cette occasion, Toupie a interviewé Catherine Gueguen, pédiatre et auteure de Heureux d’apprendre à l’école (Les Arènes – Robert Laffont). En s’appuyant sur les neurosciences, elle encourage les enseignants de maternelle à adopter une nouvelle approche éducative…
Que nous apprennent les neurosciences sur les 3-6 ans ?
Catherine Gueguen : Beaucoup de choses ! Jusqu’à récemment, on considérait généralement que le jeune enfant était capricieux, tyrannique, et qu’il fallait le gronder ou le punir pour qu’il apprenne et obéisse. Grâce aux neurosciences, on sait désormais que cette vision est fausse. En réalité, le jeune enfant a un cerveau très immature, qui le rend physiquement incapable de contrôler ses émotions. S’il crie, tape, mord ou se roule par terre, ce n’est pas parce qu’il fait un « caprice », mais plutôt parce qu’il est débordé par un trop-plein d’émotions. Dans ces moments, le gronder, le punir ou l’humilier verbalement est tout à fait contre-productif !
Pourquoi ?
C.G. : Parce que ces violences éducatives ordinaires empêchent le bon développement du cerveau de l’enfant (notamment des parties permettant d’être empathique, de contrôler ses émotions, de faire des choix ou encore de bien comprendre le langage). De plus, elles peuvent causer un stress important chez l’enfant, ce qui perturbe le développement de l’hippocampe (une autre partie du cerveau qui permet d’apprendre et de mémoriser).
Quelle est la bonne attitude à adopter, pour l’enseignant de maternelle ?
C.G. : Il doit être empathique et bienveillant ! Les neurosciences montrent qu’un enfant débordé par ses émotions ne peut pas se calmer seul. Lorsqu’il est « en crise », il a avant tout besoin d’un adulte bienveillant qui le console, même si c’est contre-intuitif. L’enseignant doit donc chercher à comprendre l’émotion que ressent l’enfant et l’aider à l’exprimer (avec des mots, des images, des émoticônes, des poupées, etc.). Cette attitude empathique permettra à l’enfant de s’apaiser et favorisera la maturation de son cerveau. Il se trouvera ainsi dans les meilleures conditions possibles pour se sentir heureux à l’école maternelle et progresser sur tous les plans !
Sans punir, comment l’enseignant peut-il se faire respecter en classe ?
C.G. : Être empathique et bienveillant ne veut pas du tout dire être laxiste et laisser faire n’importe quoi aux élèves ! Face à un comportement qui n’est pas adéquat, l’enseignant doit dire « non » à l’enfant et poser des limites, bien sûr. Mais il doit ensuite aussi chercher à l’apaiser et toujours l’encourager, pour lui donner confiance dans sa prochaine réussite. De cette façon, l’enseignant va pouvoir transmettre des valeurs dans un cadre bien fixé, sans dévaloriser ni stresser ses élèves.
Y a-t-il d’autres conditions pour que l’enfant soit heureux à l’école ?
C.G. : La relation empathique avec l’enseignant est vraiment la condition principale. Mais il y a en à d’autres pour que les enfants de maternelle se sentent épanouis à l’école. Par exemple, il faut privilégier l’apprentissage par le jeu, multiplier les contacts avec la nature… Je pense qu’il est également important de laisser plus de temps aux enfants, entre les activités, à la cantine ou au moment de s’habiller pour aller en récréation. Les adultes leur disent souvent « dépêche-toi », mais cela leur met une contrainte supplémentaire qu’il ne peuvent pas réaliser, la plupart du temps. C’est stressant pour eux… et inutile !
Ces conseils sont-ils actuellement appliqués dans les maternelles ?
C.G. : De plus en plus ! Il est vrai que certains enseignants de maternelle crient sur leurs élèves et les envoient parfois au coin ou sur la « chaise des punis »… C’est parce qu’on ne leur a pas appris qu’il était possible de faire autrement ! Heureusement, c’est en train de changer. J’ai rencontré des inspecteurs d’académies et de nombreux jeunes enseignants très intéressés par les idées et les recherches scientifiques que je présente dans mon livre Heureux d’apprendre à l’école. Pour les aider à évoluer, je plaide d’une part pour qu’il y ait plus d’adultes dans chaque classe et, d’autre part, pour que des formations leur soient proposées afin qu’ils apprennent à développer leurs propres compétences émotionnelles et sociales. Cela aiderait les enseignants à mieux identifier et exprimer leurs propres émotions, ce qui leur permettrait d’établir de meilleures relations avec autrui… et donc avec leurs élèves ! Ils auraient ainsi toutes les clés pour être capables de mieux les écouter, mieux les comprendre et de résoudre les conflits avec eux de façon sereine.
Propos recueillis par Élise Rengot