Les poils qui se dressent, le souffle court, les pupilles dilatées… Les effets des histoires qui font peur, on les connaît ! Mais savez-vous comment se construisent de tels récits ? C’est tout le savoir-faire des histoires publiées dans les magazines MordeLIRE, écrites par des auteurs chevronnés qui savent manier la peur avec justesse.

Pourquoi faire lire des histoires qui font peur aux enfants ?

Quand on y pense, c’est assez étonnant : pourquoi nos enfants sont-ils attirés par les histoires qui font peur ? Après tout, ce n’est pas l’émotion la plus agréable de notre répertoire… Peut-être tout simplement parce qu’ils en ont besoin. Dans une interview publiée sur le site internet de Milan jeunesse, le professeur Harry Ifergan, psychologue et psychanalyste spécialiste de l’enfance, explique que la peur « pour de faux » est essentielle pour affronter les peurs réelles que l’enfant pourra connaître. Ces histoires permettent donc une sorte d’entraînement émotionnel …
Paule Battault, rédactrice en chef de MordeLIRE, y voit un autre intérêt. Selon elle, ces récits valorisent les jeunes lecteurs. En publiant ces histoires, on leur donne accès, maintenant qu’ils savent lire en autonomie, à de nouveaux contenus, des histoires « pour les grands ». C’est une récompense du même ordre que l’autorisation de se coucher plus tard accordée à l’aîné d’une fratrie, par exemple.

Les ingrédients essentiels d’une histoire qui fait peur

Une ambiance propice

Chrysostome Gourio, auteur des Zombies dans la prairie et de la série Le village Sauve Qui-Peut, partage son secret pour faire frissonner ses jeunes lecteurs : « Ce qui compte avant tout, c’est l’ambiance qu’on installe. J’aime jouer avec ce qu’on ne voit pas, avec l’absence plus que la présence. Ce qui est effrayant, c’est ce qu’on distingue mal, ce qu’on est incapable d’identifier au premier coup d’œil. » Pour Michel Piquemal, auteur de La petite peur qui monte, qui monte… et de La boîte à cauchemars, ce sont les histoires où le réel « dérape » et fait perdre de manière angoissante tous les repères. Mais une ambiance inquiétante seule ne suffit pas. Selon Anne Bailly, le lecteur doit vivre une expérience immersive. Et pour cela, l’autrice a un truc : « Je décris les odeurs, les bruits… Tous les sens doivent être en éveil »

Quels personnages pour une histoire qui fait peur aux enfants ?

« Au niveau des personnages, j’utilise toujours des héros enfants auxquels les lecteurs peuvent s’identifier », nous confie Anne Bailly.
Pour Michel Piquemal aussi, le processus d’identification est essentiel : « L’histoire doit être racontée du point de vue du personnage qui a peur, pour que le lecteur ressente cette émotion avec lui. » Quant aux méchants, Chrysostome Gourio préfère qu’ils soient ambivalents : « Les personnages les plus effrayants sont ceux dont on ne sait pas s’ils sont dangereux ou non. Leur mystère est ce qui fait grandir l’angoisse. »

Du rythme et du style !

La question du rythme est essentielle pour Anne Bailly. « Je pense qu’il faut un élément déclencheur qui intrigue dès le départ pour vite rentrer dans l’histoire. Ensuite, la peur doit monter crescendo et s’accélérer sur la fin pour aboutir de manière abrupte. » Quand la peur s’accélère, Michel Piquemal aime beaucoup utiliser des phrases très courtes et des interjections : « Quand on a peur, on ne respire pas pareil et l’écriture est une respiration ». Pour ce qui est du style, chacun le sien ! Anne Bailly, par exemple, aime les jeux de mots, les effets de répétition et les rimes qui s’enchaînent dans une petite musique douce et lancinante. « Et puis le vocabulaire de la peur est évidemment très important. Je pense avoir épuisé le dictionnaire des synonymes pour les mots “trembler” et “hurler”, ajoute l’autrice en rigolant. »

Des limites adaptées à l’âge des lecteurs pour une histoire qui fait peur

Couverture du magazine mordelire avec un fantome

« Les histoires doivent être effrayantes sans être traumatisantes. C’est pourquoi dans MordeLIRE, on évite les histoires basées sur des menaces réelles ». Pour Paule Battault, l’enfant doit pouvoir se dire « ça ne peut pas m’arriver ! » à tout moment de la lecture. Le format aussi est important, les histoires courtes que nous publions sont adaptées aux enfants de 7 à 10 ans et peuvent être lues d’une traite, afin de ne pas trop faire durer le suspense. »

Qui plus est, l’humour est un bon moyen de canaliser l’angoisse. En la matière, Chrysostome Gourio a sa petite astuce : « Mêler frissons et humour fonctionne très bien. On alterne tension et soulagement, ce qui permet à l’enfant de souffler tout en continuant à jouer avec la peur. »

« Les illustrations ont aussi un rôle à jouer, complète Paule Battault. Cela nous arrive de faire appel à des illustrateurs au style plus rond et enfantin pour rendre une histoire qui fait peur moins effrayante. Mais attention, nos jeunes lecteurs de 7 à 10 ans veulent vraiment avoir peur. Et ils détestent être pris pour des bébés ! C’est là tout le savoir-faire du magazine MordeLIRE ! »