« Isaac, c’est mon copain ! » « Anna, c’est plus ma copine ! »Ils nous paraissent si petits et pourtant, nos enfants tissent déjà des liens forts avec certains de leurs camarades de classe. Dès l’entrée à l’école maternelle, l’amitié entre enfants est une réalité importante pour nos petits, comme nous l’explique Valeria Lumbroso, auteure et réalisatrice de documentaires sur le développement de l’enfant *.
À quel âge naissent les premières amitiés ?
Valeria Lumbroso : Dès la naissance, le bébé crée des liens avec des personnes différentes : ses parents, bien sûr, mais aussi ses frères et sœurs, ses grands-parents, puis la nounou, etc. Ensuite, vers l’âge de 2-3 ans, notamment à la crèche, on commence à observer des paires d’enfants aimant bien jouer ensemble. On parle alors d’affinités plutôt que d’amitiés. Celles-ci vont réellement commencer à apparaître à l’école maternelle, plus particulièrement aux alentours de 4 ans et demi. À ce moment, l’enfant devient capable de prendre en compte le point de vue de l’autre et de comprendre que ce n’est pas forcément le même que le sien. S’il n’est pas d’accord, plus besoin de pousser ou de hurler. Il est désormais capable de parler et d’argumenter. Ainsi, au fur et à mesure que l’enfant grandit, ses amitiés vont se développer et se complexifier.
Comment les amis se choisissent-ils ?
V. L. : En général, les amitiés naissent entre des enfants qui s’intéressent aux mêmes jeux. Et si deux enfants jouent ensemble, c’est parce qu’ils ont à peu près le même niveau de développement. Ainsi, on communique mieux avec quelqu’un qui communique de la même façon que soi. Des études montrent aussi que, dans une classe, les enfants nés en début d’année (et donc plus avancés sur le plan du développement) ont tendance à mener la classe et à être souvent des « amis préférés ». On constate également que le choix du partenaire de jeu aura tendance à se faire en fonction du genre : les filles aiment jouer avec les filles et les garçons avec les garçons. Enfin, au sein d’une classe, les amitiés sont stables tout au long de l’année : des groupes se forment, avec des leaders et des suiveurs. Vers 5-6 ans, on observe aussi que les enfants sont en mesure de se rendre compte si untel ou untel peut être leur meilleur ami si l’amitié est réciproque entre eux. Ils commencent à acquérir les normes sociales, ils sont désormais capables de se rendre compte si une chose est juste ou pas lorsqu’ils jouent. Mais la triche fait encore partie du jeu ! Il faudra attendre 9 ou 10 ans pour que le respect de la règle s’impose vraiment. Plus question alors de tricher car on risquerait de se fâcher avec ses amis !
Pourquoi l’amitié est-elle importante pour les jeunes enfants ?
V. L. : Ces amitiés sont riches parce qu’elles permettent des interactions et des échanges qui font progresser les enfants sur le plan du développement. Mais elles sont aussi très importantes sur le plan affectif. Elles aident à supporter l’absence des parents en offrant la possibilité de se recréer un cocon affectif au sein de l’école. Beaucoup de spécialistes s’accordent donc à dire qu’il faut permettre aux amis de rester dans la même classe d’une année sur l’autre, car ils s’apportent beaucoup. Néanmoins, dans des cas précis, cela peut être positif de les séparer : par exemple, si deux enfants sont très fusionnels et excluent tous les autres de leur binôme ; s’ils n’acceptent pas d’être séparés pour travailler avec un autre enfant ; ou encore si un enfant prend l’ascendant sur l’autre, qu’il le brime ou qu’il l’exploite. Souvent, l’enfant en situation de « soumission » aura tendance à ne pas l’exprimer, par peur de perdre son ami.
Si un enfant n’a pas d’amis à l’école, faut-il s’inquiéter ?
V. L. : Si un enfant n’a pas beaucoup d’amis, c’est peut-être parce qu’il est le plus jeune de la classe. Peut-être a-t-il besoin de faire la connaissance d’enfants de son âge ou même plus jeunes que lui. Il peut également connaître un léger retard de développement sur certains points. Retard qu’il rattrapera, mais qui pour le moment crée un décalage avec les autres enfants. Dans des cas plus rares, cela peut aussi être le signe d’un vrai souci. Mais il faut garder à l’esprit que le plus important est de permettre à ses enfants d’en rencontrer d’autres, même en dehors de l’école, et surtout de leur permettre de jouer librement pour bien grandir.
Propos recueillis par Delphine Soury
* Valeria Lumbroso est auteur de Marcher, parler, jouer, aux éditions De Boek, et de Première année, premiers liens, aux éditions De Boek. Elle est aussi réalisatrice de documentaires, notamment sur le développement de l’enfant et ses relations affectives et sociales : L’Enfance pas à pas (Arte, 2004), Les Premiers Pas vers l’autre (France 5, 2008) et Les Amitiés entre enfants (France 5, 2009), Entre toi et moi, l’empathie (France 5, 2015).
Amitié entre frères et sœurs
Des études montrent que 75 % des frères et sœurs développent des liens d’amitié. Parmi eux, 50 % sont amis tout en ayant souvent des conflits et 25 % sont amis sans conflits. Enfin, 25 % des frères et sœurs sont « ennemis ».
Cet article fait partie du Guide pour réussir sa rentrée en maternelle