S’immerger pour mieux appréhender
« Hello, hello ! What’s your name ? » C’est avec cette petite chanson que Janie, la professeure d’anglais, accueille les enfants de l’atelier Happy Tots (« bambins heureux »). Pour cette Canadienne anglophone ayant vécu en Irlande, apprendre une langue étrangère à de très jeunes francophones est un plaisir, mais aussi un sacré défi ! Car pour capter l’attention de tout-petits âgés de 18 mois à 3 ans, dans une langue qui n’est pas la leur, il faut déployer beaucoup d’énergie. D’ailleurs, dès la porte de la salle franchie, c’est parti ! Janie plonge les enfants dans un bain linguistique made in England : pendant une heure, elle ne s’adressera à eux qu’en anglais, que ce soit pour les activités ou les temps de transition. Et tout l’environnement est fait pour une immersion quasi totale : affiches sur les murs, petits jeux de société, livres, CD, petits films vidéo… Le but est de faire entendre un maximum d’anglais aux enfants, afin de les habituer au rythme et aux sonorités de la langue. Bien sûr, l’aspect ludique des activités est primordial : « Les enfants apprennent par le jeu, explique Janie. Il faut qu’ils associent la langue à la notion de plaisir ».
Des activités variées et adaptées
Lors de l’atelier, les activités sont courtes et variées. Moments rythmés et moments plus calmes alternent, s’adaptant ainsi au mieux aux capacités d’attention et de concentration des tout-petits, qui restent, à cet âge, encore limitées. De plus, la séance se déroule en présence des parents (ou grands-parents), afin que les enfants se sentent en confiance. Et les « grands » participent activement aux diverses activités aux côtés de leurs petits. Si certaines mamans sont plutôt à l’aise avec l’anglais, ce n’est pas forcément le cas de tous. « Moi-même, je ne parle pas très bien anglais, m’explique la maman de Floris. Et en partant quelques mois en Nouvelle-Zélande, j’ai eu une révélation : je me suis dit que savoir parler cette langue était vraiment important. Or, l’apprentissage des langues étrangères dans le système éducatif actuel ne me satisfait pas. Avec cet atelier, je veux éviter d’éventuels blocages à mon fils pour la suite de sa scolarité. » Avec une mère française et un père allemand, Mélina, elle, jongle déjà habilement avec deux langues. « À son âge, me dit sa maman, ma fille est très réceptive et parle déjà bien français et allemand. Alors, pourquoi ne pas s’ouvrir à une troisième langue, aussi parlée à la maison, si cela peut lui permettre d’avoir des facilités par la suite ? »
Parler pour faire parler
Aujourd’hui, The Very Hungry Caterpillar (La Petite Chenille qui fait des trous, en français) est le fil rouge de la séance. Ce classique de la littérature jeunesse est l’occasion pour les enfants de découvrir, en anglais bien sûr, les nombres, les jours de la semaine, des noms de fruits et autres aliments, tout un vocabulaire du quotidien qu’ils sont amenés à utiliser fréquemment… Pour cela, Janie s’adresse au groupe tout entier, puis aux enfants de manière plus individualisée : montrer, répéter, mimer… tous
les sens sont sollicités ! Certains petits arrivent à dire quelques mots en anglais, pour d’autres, le français prend le dessus ! « En ce début d’année, c’est un peu compliqué de faire sortir des mots en anglais de la bouche des enfants, me dit Janie. Alors, quand j’y parviens, c’est une petite victoire ! » Il n’empêche que l’on sent les petits participer avec plaisir. Le grand-père de Ninon m’explique que, si sa petite-fille parle peu pendant l’atelier, en revanche, les questions fusent sur le chemin du retour : « Comment on dit ça déjà ? Et ça ? Et ça ? ». Julie, elle, est plutôt à l’aise. « C’est sa deuxième année, m’explique sa maman, qui lui parle beaucoup en anglais pendant les activités. Et je suis
impressionnée par sa capacité à retenir. J’ai moi-même été sensibilisée à cette langue par ma mère et
j’ai envie de partager cette affinité avec ma fille. Elle aime venir ici. L’année prochaine, elle sera scolarisée dans une école bilingue. » Pâte à modeler, gommettes, chansons à mimer, petit film… Après une heure bien remplie, il est enfin temps de se dire au revoir, jusqu’à la semaine prochaine… et en anglais, bien sûr : bye !
Dossier réalisé par Delphine Soury / Photos © Vincent Gire/Milan presse.
L’avis de la spécialiste
La sensibilisation à une langue étrangère dans le cadre de ces ateliers développe l’oreille et la curiosité des enfants pour les sonorités nouvelles, mais si l’on veut vraiment que cette seconde langue soit utilisée, parlée et comprise, le contact doit être régulier et prolongé : avec des personnes, dans différentes situations de la vie quotidienne, et au moins jusqu’à l’âge de 6 ans. Attention donc à ne pas entrer dans la surstimulation, surtout chez les bébés. Car apprendre à parler, dans sa propre langue ou dans une autre, est un processus long. Un tout-petit ne deviendra pas bilingue en ne pratiquant qu’une heure d’anglais par semaine, même pendant deux ou trois années. Tout dépend des attentes des parents : par la suite, une école maternelle bilingue plongera l’enfant au quotidien dans une langue étrangère, l’école primaire traditionnelle lui permettra de s’y initier. L’atelier de langue pour les tout-petits est avant tout une activité d’éveil, à laquelle les enfants doivent participer avec plaisir.
Barbara Abdelilah-Bauer, psycholinguiste et psychosociologue, auteure du Guide à l’usage des parents d’enfants bilingues, La Découverte, 17 €.
Happy mômes
Happy Mômes, qui organise l’atelier Happy Tots, est un club d’enseignement ludique de l’anglais pour les enfants de 18 mois à 12 ans, dont les centres sont basés en région toulousaine et en région parisienne. Les professeurs diplômés sont tous de langue maternelle anglaise.
Rens. : www.happymomes.com