Pourquoi le tout-petit a-t-il du mal à s’endormir ?

Jacky Israël : Vers 1 an, l’enfant réagit davantage au départ de ses parents, notamment le soir. C’est d’autant plus difficile pour lui quand les parents travaillent et rentrent tard. L’enfant a peur de la séparation, de se retrouver seul… et c’est normal ! Le tout-petit a une forte demande affective : il a besoin de câlins et de se sentir exister dans le regard que ses parents lui portent. Il est donc important, en rentrant du travail, d’être disponible pour son enfant. En lui réservant des moments d’exclusivité, en jouant et en se consacrant à lui pour le bain ou le repas, les parents répondent à ses besoins affectifs : l’enfant peut s’imprégner d’eux (et réciproquement) et se recharger en affect. Au coucher, l’enfant s’endormira sereinement, avec l’image de ses parents dans ses pensées. Mais parfois, il pleure dès qu’il est dans son lit ou que le parent s’en va. Le parent ne doit pas culpabiliser en laissant son bébé pleurer un moment. C’est aux parents de montrer le chemin pour que l’enfant puisse devenir autonome et grandir en toute sécurité. Si les pleurs persistent, il faut retourner dans la chambre pour tranquilliser bébé de nouveau. Il faut se séparer de bébé avec des paroles douces, mais aussi avec une voix ferme. Le bébé doit sentir qu’on a confiance en lui et qu’il n’a pas le choix.

Pourquoi l’enfant se réveille-t-il la nuit ?

  1. I. : Il existe deux types de réveil :
  • les microréveils : comme les adultes, les tout-petits dorment par cycles de sommeil. Ils se réveillent souvent en deuxième partie de nuit, entre deux cycles. Il s’agit de réveils physiologiques. Les enfants qui savent s’endormir seuls sauront se rendormir seuls. En revanche, ceux qui en sont incapables (parce qu’ils ont besoin d’une tétine ou ont l’habitude de s’endormir bercés dans les bras de leurs parents) auront besoin de ces mêmes conditions de confort pour retrouver le sommeil.
  • les cauchemars : ils surviennent au moment de l’acquisition de la marche. La nuit révèle, en général, les éléments perturbants de la journée. Alors, si bébé a fait une chute dans l’après-midi, il peut s’en souvenir la nuit et la revivre, ce qui entraîne un réveil et des pleurs. L’enfant perçoit aussi tous les changements autour de lui (une longue absence d’un des parents, des tensions dans le couple, une grossesse débutante…). Tout ce qui touche à ses habitudes et à la qualité relationnelle avec ses parents peut le perturber et provoquer des réveils. Plus l’enfant grandit, plus il est difficile de trouver des relations de cause à effet. Si les réveils persistent sur des semaines, voire des mois, il faut consulter un pédiatre ou un psychologue pour essayer de dénouer les problèmes de sommeil.

Faut-il laisser bébé pleurer ?

  1. I. : Non, il faut toujours aller voir ce qui se passe… ne serait-ce que pour s’assurer que l’enfant n’est pas malade. S’il ne l’est pas, il a peut-être besoin d’être changé ou tout simplement d’être rassuré. Il peut avoir fait de mauvais « rêves ». Le laisser pleurer tout seul, dans le noir, sans qu’il puisse compter sur ses parents, est cruel et angoissant pour l’enfant. Cela risque, à la longue, d’entamer la confiance qu’il a en lui et en ses parents. En revanche, si l’enfant, après avoir été rassuré, pleure au départ de son parent, il est possible de le laisser pleurer quelques minutes. En général, il se rendort.

 

Comment aider son enfant à bien dormir ?

  1. I. : La routine est sécurisante pour les enfants et les aide donc à s’endormir plus facilement. C’est pour cela qu’il est important de les coucher toujours à la même heure. Ce cycle répétitif est mémorisé très tôt… mais il se dérègle au moindre changement ! Attention donc aux exceptions qui risquent de perturber les bonnes habitudes et provoquer des problèmes, qui peuvent s’étaler sur des jours, voire des semaines. En général, les parents mettent naturellement en place des rituels. Ils sont essentiels, car ils permettent de rassurer l’enfant, mais ils doivent être adaptés à son âge et évoluer avec eux. On peut donner aux plus petits un doudou, leur rappeler le déroulement de leur journée, chanter doucement. À partir de 2 ans, il est possible de lire une histoire courte. Rappelons que la télévision et les dessins animés excitent et peuvent inquiéter, ce qui entraîne des réveils nocturnes. Il faut donc les bannir des rituels du coucher. Puis c’est le moment du câlin : l’enfant et le parent s’imprègnent l’un de l’autre au contact physique (corps à corps) associé à des mots tendres et affectueux. Enfin, d’une voix douce et ferme, il faut mettre fin aux « étreintes » et se quitter en utilisant des mots « justes » et sécurisants comme « tu vas passer une bonne nuit », « tu vas faire de beaux rêves », « Maman t’aime de tout son cœur et te souhaite une bonne nuit… ».

Les terreurs nocturnes

À partir de 3 ans, rarement avant, il arrive qu’un enfant hurle en première partie de nuit : il se débat et semble terrifié. Pourtant, il dort profondément. Cet état est très impressionnant et inquiète les parents. Il s’agit d’une dérive quasi physiologique du sommeil profond (dit « de repos »), qui met l’enfant dans une sorte de transe : malgré les apparences, il n’est ni éveillé, ni en train de rêver. Les parents ne doivent pas tenter de le réveiller, mais lui parler doucement et établir le contact par le toucher. Le lendemain, comme l’enfant n’aura aucun souvenir de cet épisode, il sera inutile de lui en parler. Rien ne sert de l’inquiéter : la nuit ne doit pas devenir un moment redouté par l’enfant, mais c’est une bonne raison de l’apaiser, de le rassurer au mieux lors du rituel du soir, pour essayer d’agir sur la qualité de son sommeil.

En savoir plus sur notre spécialiste

Le docteur Jacky Israël est pédiatre à Paris. Il s’est beaucoup intéressé à la question du sommeil chez l’enfant. Il a dirigé l’ouvrage Dodo, l’enfant do, aux éditions Érès, collection « Les dossiers de Spirale », n° 208 (2008), et coécrit Le Sommeil de mon bébé de 0 à 18 mois, paru aux éditions Gründ (2011).

Propos recueillis par Aurélie Vigne