Fatigués, stressés, contrariés… et nous voilà en train de gronder nos enfants alors qu’il n’y a pas vraiment de raison. Quand nous sommes submergés par la colère, la surréaction ne se fait pas attendre, très vite suivie par la culpabilité. Alors, quelles sont les clés d’une éducation bienveillante, celle qui permet à chaque parent de s’épanouir dans son rôle et de cultiver une parentalité positive au quotidien ? Réponses avec Nathalie de Boisgrollier*, coach en parentalité et auteur d’Élever ses enfants sans élever la voix.
Pourquoi avoir écrit ce livre sur l’éducation bienveillante ?
Nathalie de Boisgrollier : Comme bien des mamans ayant de jeunes enfants, je me suis retrouvée au bord de la crise de nerfs, à passer mes week-ends à crier après tout le monde. À un moment, j’ai dit stop. J’ai voulu trouver une éducation différente de celle que j’avais reçue. L’éducation bienveillante répondait à ce besoin. Elle s’inscrit dans une démarche de parentalité positive, fondée sur l’écoute, le respect et la confiance mutuelle. Aujourd’hui, mes enfants sont devenus des ados et je me régale de voir ce que nous avons réussi à mettre en place, au niveau de la confiance en soi, de la communication, de l’autonomie ou de la responsabilisation. J’ai donc décidé de transmettre ces outils qui contribuent grandement à lever les tensions et à installer une harmonie au sein de la vie de famille.
Par quoi passe l’éducation bienveillante ?
N. de B. : Il s’agit d’abord de relire son histoire personnelle avec bienveillance afin de mieux comprendre qui l’on est, ce que l’on rejette et ce que l’on souhaite garder. Cette introspection est essentielle dans une démarche d’éducation bienveillante. Il est bon de réussir à lâcher prise, parfois même de se pardonner et de se réparer, en acceptant que, par le passé, des choses ont été faites dans un autre contexte éducatif. La parentalité positive, c’est aussi cela : comprendre sans juger.
Il s’agit ensuite de faire équipe avec son conjoint. Souvent, l’enfant tant attendu arrive sans que le couple ait vraiment réfléchi à un projet éducatif commun. Pourtant, cette cohérence est au cœur de l’éducation bienveillante. Si vous demandez à votre enfant d’éteindre la télévision à 19 heures et que votre conjoint passe derrière en disant : « Laisse-le tranquille, il peut regarder encore un quart d’heure », l’apparition des caprices et des conflits sera fort probable. Car l’enfant a cette spécialité, celle de se faufiler dans les failles, de tester les limites. Le cadre posé doit donc être clair, juste et constant.
Enfin, il faut apprendre à gérer ses émotions, une compétence clé en parentalité positive.
Les émotions ont donc un rôle important dans notre quotidien avec les enfants ?
N. de B. : Oui, les émotions ont un rôle très important dans notre vie en général et, pourtant, nous n’avons souvent jamais appris à les gérer. La colère, la culpabilité ou la peur sont autant de sentiments qu’il faut apprendre à connaître et reconnaître. Il arrive parfois que, face à son enfant qui crie, qui pleure, qui n’obéit pas, nous réagissions ou même que nous surréagissions. Comme beaucoup de parents, il m’est arrivé par le passé de rentrer à la maison, de gronder mes enfants et de m’apercevoir qu’en fait j’étais en colère contre moi ou à cause d’une contrariété survenue pendant ma journée de travail. J’ai réagi de manière excessive vis-à-vis de mes enfants, alors que ce n’était pas de leur faute.
Dans ce genre de situation, il faut se poser la question du pourquoi, voir qu’elles ont été les conséquences et ce que l’on aimerait plutôt faire la prochaine fois. Pour cela, il est nécessaire de poser des mots sur l’émotion que l’on a ressentie, car cela permet déjà de réaliser que l’on est dans cette émotion. Ensuite, il est important de reconnaître que l’on est allé trop loin et de s’excuser. Quand on fait ce petit travail régulièrement, on évite d’exporter notre stress ou la pression de notre vie professionnelle sur nos enfants. On a souvent pas mal de progrès à faire en ce qui concerne la communication !
Et que penser de la punition ?
N. de B. : Quand les limites ont été dépassées, la punition est nécessaire, voire utile, à condition d’être cohérente, adaptée à l’âge de l’enfant et, bien entendu, de ne pas être humiliante. Il est aussi primordial de faire ce que l’on dit. On constate que, souvent, les parents menacent, mais ne mettent pas leurs paroles à exécution. Mais si l’on pose des limites claires, que l’on a un discours commun avec son conjoint, que l’on a travaillé sur la gestion des émotions et une meilleure communication, il y a finalement très peu besoin de punir et l’on parlera plutôt d’acte de réparation. Par exemple, si un enfant de 4 ans s’est amusé à dérouler tout le rouleau de papier toilette dans la maison, il faut lui demander de nettoyer et de ranger et, à cet âge, il faut l’accompagner et faire ensemble. Il le fera à sa façon, peut-être mal. Et quand il aura 10 ou 12 ans, ces actions de réparation seront autonomes.
Il faut savoir que, vers 2-3 ans, un enfant est en toute-puissance : c’est « moi, mes besoins, mes désirs ». Pourtant, il va découvrir les limites de son corps parce qu’il ne va pas pouvoir courir aussi vite que son grand frère ou sa grande sœur, parce qu’il n’arrivera pas à lutter contre le sommeil, parce qu’un copain ne va pas vouloir lui prêter son jeu… et il sera aussi confronté aux limites que vont lui fixer ses parents. Tout cela permet à l’enfant de se structurer.
* Nathalie de Boisgrollier est fondatrice de OZE, association qui a pour but d’accompagner les parents et les professionnels de l’enfance dans la construction et l’amélioration des relations avec l’enfant et le jeune.
Propos recueillis par Delphine Soury