C’est vers l’âge de 4-5 ans que les parents commencent à s’interroger sur une possible précocité intellectuelle de leur enfant. Pourtant, les professionnels s’accordent à dire que ce n’est pas avant 6 ans qu’une évaluation peut être établie. La précocité peut prendre en effet plusieurs formes, et le vocabulaire qui leur est associé est volumineux, obscur et vite fallacieux. Or, les mots choisis ont une importance tant pour les parents que pour les enfants. Au risque que ces mots deviennent écrasants ou créent des déceptions.
2,3
C’est le pourcentage estimé* d’enfants précoces dans la population scolaire en France (entre 6 et 16 ans). Dans un établissement de 150 élèves, par exemple, cela concerne 3 élèves. La précocité semble donc être une spécificité intellectuelle peu fréquente, mais qui concerne tous les milieux sociaux et familiaux. Elle est mieux connue aujourd’hui et nécessite souvent un accompagnement psychologique. Mais il n’y a pas encore de consensus des professionnels sur sa définition, ni sur les moyens de la diagnostiquer. D’où, peut-être, un champ lexical très large la concernant, et aussi beaucoup d’idées reçues. *(source ANPEIP fédération et CheckNews.fr)
AVANCE
Un langage maîtrisé tôt et vite, beaucoup d’intuitivité, une grande curiosité et l’envie d’en savoir plus, une attention accrue aux conversations et aux argumentations, etc., la liste des signes de la précocité intellectuelle d’un enfant ne peut pas être exhaustive. Le sentiment, diffus, qu’il est « en avance » revient souvent dans les paroles des parents concernés. En avance pour parler, lire, raisonner. Son développement intellectuel est souvent en avance par rapport à son développement psychomoteur. C’est pour cela que les enfants précoces peuvent rencontrer plus de difficultés ou se désintéresser des apprentissages de motricité fine, comme l’écriture.
CERVEAU
Les scientifiques ont montré, grâce aux IRM, que le cortex cérébral des enfants précoces est souvent plus épais que la moyenne. Le cortex est la couche externe du cerveau : c’est lui qui permet des fonctions comme le langage, la mémoire, le raisonnement, etc. Chez les enfants précoces, le cortex semble s’épaissir plus longtemps, jusqu’à 11 ans au lieu de 7. Cela pourrait expliquer leur rapidité d’analyse des informations.
DÉCALAGE
Le fait de se sentir « en décalage » avec les copains ou avec ce qui leur est demandé à l’école, peut amener les enfants précoces à être très observateurs de ce qui se passe autour d’eux. Une grande sensibilité, un sentiment de culpabilité d’être différent, une peur de se tromper sont des spécificités qui ont été remarquées. Cela dit, tous les enfants précoces ne rencontrent pas forcément de difficultés, scolaires ou relationnelles.
Tous les enfants précoces ne rencontrent pas forcément de difficultés, scolaires ou relationnelles.
ENNUI
« Il semble s’ennuyer » est un constat qui revient dans la parole des enseignants d’élèves précoces. Cela peut se traduire par un manque d’intérêt pour les apprentissages demandés, alors que le même enfant peut faire preuve d’une curiosité débordante pour un sujet précis à la maison. Mais l’ennui pour la chose scolaire ne doit pas être le seul indice. Il est à surveiller, sur le long terme. L’ennui ou le manque d’intérêt, s’ils sont réprimandés, amènent certains enfants à élaborer des stratégies pour camoufler leur décalage. Au risque de rendre un diagnostic de précocité plus difficile.
ENSEIGNANT
Il ou elle a un rôle majeur, d’observation et d’accompagnement de l’enfant et des parents, surtout au début d’une prise de conscience de la précocité. C’est en 2002 que les élèves à besoins éducatifs particuliers (EBEP) ont été officiellement reconnus par l’Éducation nationale. Aujourd’hui, en formation initiale et continue, les enseignants sont informés sur la précocité intellectuelle, les signes identifiables et les réponses adaptées. Les psychologues scolaires sont également sollicités pour tout questionnement sur ce sujet.
EIP
C’est l’abréviation d’enfant intellectuellement précoce. Parmi les professionnels de santé, c’est le terme le plus souvent utilisé. Il met l’accent sur l’avance mesurée de ces enfants, par rapport aux normes connues pour chaque âge. Aujourd’hui, il est rare de parler de « surdoué », qui sous-entend l’idée de « don », de « génie ». On trouve parfois le terme d’enfant « à haut potentiel », qui insiste sur les capacités, mais ne peut se résumer qu’à elles.
MIEUX-ÊTRE
Comment un enfant précoce vit-il sa différence, ou ce sentiment de décalage, avant et après une évaluation ? Quelles sont ses relations, à l’école, dans la fratrie ? Ses parents sont-ils soutenus, entourés ? Et, à l’avenir, comment accompagner une famille dans ce parcours de vie ? Le vécu émotionnel de la précocité est aussi important que son diagnostic scientifique. Pédiatres, puéricultrices, corps enseignant, pédopsychiatres et psychologues sont là pour apporter des réponses concrètes. De nombreux parents d’enfants précoces ont également fait le choix de tenir des blogs sur Internet pour partager leur expérience : cela peut s’avérer être de précieuses lectures.
QI
C’est l’abréviation de quotient intellectuel. Les professionnels s’appuient, entre autres, sur ce marqueur pour établir un diagnostic de précocité intellectuelle. Le QI permet de mesurer, par rapport à une moyenne, l’intelligence cognitive, c’est-à-dire les compétences de logique, verbales, la mémoire de travail et la vitesse de traitement des informations. On mesure le QI grâce à un test élaboré en fonction de l’âge de l’enfant. Seuls des tests pratiqués par des psychologues permettent d’évaluer le QI : ils ne se pratiquent pas sur Internet ou dans des magazines ! Et le QI ne dit pas tout. Dans un parcours de diagnostic, un psychologue propose également des entretiens pour connaître le contexte familial et l’histoire de l’enfant. En clair, on ne « fait pas tester son enfant », on évalue sa précocité en identifiant le plus de facteurs possible.
Seuls les tests pratiqués par des psychologues permettent d’évaluer le QI : ils ne se pratiquent pas sur Internet ou dans des magazines. Et le QI ne dit pas tout...
RÉUSSITE SCOLAIRE
Précocité ne rime pas forcément avec réussite à l’école. Mais c’est le plus souvent à l’école que les premiers signes de précocité apparaissent. Pour l’Éducation nationale, ces enfants ont des besoins éducatifs particuliers et des aménagements éducatifs peuvent être mis en place. Car, avant de connaître sa spécificité, un enfant précoce a plus de risque que les autres de décrocher dans sa scolarité, par ennui, désintérêt, manque de stimulation, anxiété, etc. On peut par exemple proposer de faire sauter une classe à l’enfant.
ZÈBRES
Ces dernières années, avec la meilleure connaissance et la reconnaissance de la précocité, de nouveaux termes sont apparus, comme « zèbres », « sentinelles », etc. Plus imagés, ils ont le mérite de mettre un peu de distance dans un quotidien parfois lourd pour les enfants et leurs parents. Le terme de « zèbres », par exemple, est une comparaison qu’a proposée en 2008 Jeanne Siaud-Facchin, psychologue spécialiste des enfants précoces. Il s’agissait pour elle d’énoncer les caractéristiques communes de ces enfants qui sont en même temps tous différents : « Les rayures des zèbres sont uniques et leur permettent de se reconnaître entre eux. Chaque zèbre est différent. »
Pour aller plus loin :
Centre national d’aide aux enfants et adolescents à haut potentiel : http://cnahp.fr/
La scolarisation des enfants précoces :
https://www.education.gouv.fr/la-scolarisation-des-eleves-intellectuellement-precoces-9878
Les Enfants précoces, A. Cathala et B. Mariller, Éd. Milan, coll. « Mes p’tits pourquoi ».
J’aide mon enfant précoce, Dr A. Gramon et Dr Stéphanie Simon, Éd. Eyrolles.