Depuis quelques années, on entend beaucoup parler de la pédagogie Montessori : articles de presse, écoles alternatives, jeux… Mais de quoi s’agit-il exactement ? Qui a créé cette méthode et qu’apporte-t-elle aux enfants ? La spécialiste Charlotte Poussin nous répond !

 

 

 

Qui était Maria Montessori ?

Charlotte Poussin : Née à Rome en 1870, elle est l’une des premières femmes médecins d’Europe. Elle travaille d’abord dans une clinique pour enfants mentalement handicapés, où elle élabore un accompagnement plus pédagogique que médical… et se dit qu’il pourrait être utile à tous les enfants ! Elle crée alors une école pour les 3-6 ans dans un quartier défavorisé de Rome. Ses recherches l’amènent peu à peu à proposer un changement total de point de vue en matière d’éducation, de la naissance à l’entrée dans l’âge adulte.

 

En quoi consiste sa pédagogie ?

C.P. : Elle repose sur l’idée que l’enfant peut apprendre par lui-même, dès lors qu’il est placé dans un environnement adapté, où il se sent aimé, compris et respecté. La pédagogie Montessori offre donc une grande liberté à l’enfant (dans un cadre organisé et sécurisé) afin qu’il fasse ses propres choix et ses expériences. Au début du 20e siècle, c’était très novateur ! En effet, on considérait plutôt que l’adulte devait tout décider à la place de l’enfant. D’ailleurs, c’est encore un peu le cas aujourd’hui : on attend d’un enfant de tel âge qu’il fasse ceci ou cela, sinon on dit qu’il est « en retard » ou « en avance ». Dans l’approche Montessori, ces notions n’existent pas : il fait ses apprentissages au moment le plus opportun pour lui ! C’est ce qui lui permet d’apprendre avec plaisir –donc efficacement – et de construire sa personnalité de façon épanouie.

 

Qu’est-ce que cela apporte aux enfants ?

C.P. : On constate que cela leur permet de particulièrement bien assimiler de nombreux apprentissages… mais ce n’est pas l’objectif numéro un ! C’est simplement la conséquence d’un développement harmonieux de l’enfant, au cours duquel il a pu révéler tout son potentiel. Dans la pédagogie Montessori, l’adulte éduque à la liberté et à la paix dans une ambiance sereine, et il ne commente pas systématiquement les activités, ce qui encourage l’enfant à s’auto-évaluer et à s’affirmer. Celui-ci possède naturellement cette capacité, mais il aura tendance à la perdre s’il est entouré d’adultes qui le jugent sans cesse. En effet, s’il est toujours évalué (même positivement), il peut finir par oublier ses motivations personnelles et agir en cherchant seulement le compliment de l’adulte, quitte à brider sa créativité. Bien sûr, il faut avoir des propos encourageants à l’égard de l’enfant, mais plutôt que de dire « je suis fier de toi », il vaut mieux dire « comme tu dois être fier de toi ! » et lui demander ce qu’il en pense. Cela lui donnera les outils pour forger sa confiance en lui.

 

Comment fonctionnent les écoles maternelles Montessori ?

C.P. : Elles se différencient des écoles maternelles classiques par :

  • l’attitude des adultes fondée sur l’observation. Les activités sont le moins dirigées possible.
  • l’environnement épuré, ordonné, structuré en différents ateliers. Les écoles maternelles classiques proposent aussi des ateliers, mais ce ne sont pas des activités libres, dans le sens où chaque enfant doit obligatoirement faire chaque atelier, et souvent à des horaires déterminés. Dans les écoles Montessori, c’est l’enfant qui décide vers quel atelier se tourner. On considère que s’il refait très souvent la même activité, c’est qu’elle n’est pas complètement acquise pour lui et qu’il ressent le besoin de s’entraîner encore. S’il n’essaye pas du tout une activité, le rôle de l’éducateur Montessori est de le repérer et de la lui proposer, tout en le laissant acteur de son choix.
  • des objets et des jouets choisis. Ils doivent être simples, esthétiques, proposés en un seul exemplaire (pour favoriser le partage), adaptés à la taille des enfants, et isolant chacun un concept (pour en faciliter l’apprentissage). Ils peuvent aussi être cassables afin de responsabiliser l’enfant.
  • la classe à plusieurs niveaux. L’enfant apprend non seulement de l’enseignant, mais aussi de ses pairs, en les observant et en travaillant avec eux. Ainsi, les plus grands développent spontanément leur empathie et leur solidarité, et les plus petits, totalement grisés de voir qu’ils peuvent faire comme les grands, sont encouragés à découvrir de nouveaux apprentissages.

 

Peut-on appliquer la pédagogie Montessori à la maison ?

C.P. : Oui, les parents peuvent s’inspirer de cette philosophie partout ! Il s’agit d’organiser l’environnement pour que l’enfant puisse y être autonome. Par exemple, le matin, il peut se servir du lait tout seul. Bien sûr, il ne faut pas lui donner la bouteille d’un litre de lait – il en renverserait et aurait besoin de l’aide de l’adulte – mais plutôt préparer à l’avance un petit pichet adapté. On aide l’enfant à réaliser seul les petites tâches quotidiennes : cela implique, par exemple, de mettre des marchepieds pour qu’il puisse allumer la lumière ou accéder au lavabo, d’installer un portemanteau à sa hauteur, de lui proposer de couper son fruit avec un couteau à bout rond, de lui donner des pantalons sans bouton et des chaussures sans lacets, etc. L’idée est de lui montrer comment faire, puis de ne plus intervenir si ce n’est pas utile (toute aide inutile est considérée par Maria Montessori comme une entrave au développement). Ce sera plus long que si les parents agissaient eux-mêmes, certes, mais il est important de prendre ce temps, quitte à en faire un peu moins ! Cela permettra à l’enfant d’être vraiment autonome le jour où cela lui sera nécessaire.

 

Charlotte Poussin est éducatrice Montessori et administratrice de l’association Montessori de France. Elle a traduit Maria Montessori et écrit des livres de référence sur le sujet, dont Apprends-moi à faire seul, la pédagogie Montessori expliquée aux parents (Eyrolles). Elle a aussi écrit des livres pour enfants, comme Ma journée Montessori (Bayard).