La liste des jouets de noël pour les 3-6 ans est infinie ! Et votre enfant lorgne peut-être déjà sur des jouets « de grands » pas encore adaptés à ses « capacités de jeu ». Pour vous aider à y voir clair, nous sommes allés à la rencontre de ludothécaires, vrais spécialistes de la question, pour vous proposer un petit guide d’achat…
Comment se lancer dans les achats de jouets de Noël en réunissant intérêt psychomoteur du jeu et plaisir du nouveau jouet, sans tomber dans une consommation excessive, ni y passer un temps fou ? En suivant les conseils de ludothécaires, qui observent nos enfants dans leur activité favorite ! Alban Anatole et Dario Cavalié animent une ludothèque, à Toulouse. Ces lieux ouverts à tous mènent des animations autour du jeu (conseils, prêts, etc.) tout au long de l’année.
« Un bon jouet doit être adapté aux compétences sensorielles, de manipulation, d’imagination, d’assemblage d’un enfant. Les indications d’âge sur les emballages sont plutôt un argument marketing… »
Quel jouet à quel âge ?
À cette question, la réponse est claire. « L’important est qu’un jouet soit adapté aux capacités de jeu d’un enfant, pour qu’il ne soit pas mis en échec. Les indications d’âge sur les emballages sont plutôt un argument marketing… », explique Alban Anatole. Par « capacités de jeu », il faut entendre les compétences psychologiques nécessaires pour appréhender un nouveau jeu : sensorielles, de manipulation, d’imagination, d’assemblage, etc. Ces stades de développement sont communs à tous les enfants, mais leur acquisition varie dans le temps : « Prenez l’image d’un escalier : tous les enfants vont le monter, mais pas à la même vitesse », explique le ludothécaire.
Manipuler et déduire
Peluches, jouets à bascule pour les plus petits, puis jouets à tirer, boîtes à formes et, pour les plus grands, kaléidoscopes, cerceaux… Ces jeux dits d’exercice* favorisent l’expérimentation sensorielle et motrice. Il existe aussi des xylophones, des percussions, des mini-instruments qui permettent de découvrir les sons. « Sonores, mais pas bruyants ! », conseille Alban Anatole. Les jeux d’exercice invitent également à découvrir la notion de cause à effet, très constructive : si je touche, si je renverse, si je pousse, si j’actionne tel bouton, il se passe quelque chose.
« C’est pour les bébés ! »
Quand on les observe, les enfants reviennent toujours un peu vers leurs premiers jouets, avec nostalgie et plaisir. « C’est aussi pour cette raison qu’on se refuse de parler d’âge en ludothèque. On ne va jamais dire, par exemple « c’est un jeu de bébé, tu es trop grand ». Il faut laisser la possibilité aux enfants de régresser dans le jeu, sans jugement. »
Jouer à faire semblant
Jouer à la dînette, à la poupée, aux pirates ou aux pompiers doit être accessible à tous les enfants, sans distinction de genre et sans jugement. « Les parents doivent garder à l’esprit que les enfants jouent alors un rôle, dans un cadre bien défini. Ils reviennent à leur réalité après », explique Alban Anatole. Ces jeux de symbolique où l’on « fait semblant », où l’on « fait comme si » favorisent ainsi l’imagination des enfants, autour de 2 ans et demi-3 ans. À partir de leur vécu, ils élaborent tout un tas de scénarios, à l’aide de déguisements, d’objets du quotidien à leur taille, etc. « Dans ces moments- là, l’enfant va proposer ses propres règles. Par exemple, il est très intéressant, pour lui, d’inverser les rôles : je suis le papa, tu es l’enfant. »
LA FIN DU « FAIRE COMME MAMAN » ? Fabricants de jouets, distributeurs et annonceurs ont signé, fin septembre, la deuxième édition de la Charte pour une représentation mixte des jouets, initiée par le gouvernement. Ils s’engagent, notamment, à concevoir des jouets ne véhiculant pas de stéréotypes genrés, à limiter les codes couleur et la catégorisation entre jouets fille et jouets garçon, mais aussi à former leurs vendeuses et vendeurs sur le sujet. Car, en 2020, le marketing genré des marques est toujours visible, même s’il se fait de plus en plus épingler par les consommateurs…
Un train peut faire « pouet pouet »
En maternelle, quand l’enfant est en mesure de s’intéresser au monde autour de lui, il va commencer à aller vers les jeux de figurines et de mise en scène, comme les circuits de train. « Préférez les circuits sans pile, avec des véhicules s’actionnant à la main et où l’enfant va pouvoir faire les bruits qu’il veut, qu’il invente », conseillent les ludothécaires. Pour eux, les célèbres figurines à la coupe au bol restent le meilleur jeu de mise en scène, car elles proposent une palette sans fin de situations de vie et de thématiques.
Assembler et imaginer
Morceaux de bois à empiler, briques multicolores à encastrer, mais aussi puzzles : le choix des jouets d’assemblage est également large et astucieux. « Ces jeux favorisent l’acquisition de la spatialisation. Et ils permettent l’apprentissage de la gravité, des forces, de la physique », explique Dario Cavalié.
Jeux de règles et règle du jeu
Quant aux jeux de société, on peut commencer doucement à partir de 3 ans, avec des jeux coopératifs ou de hasard, type jeu de l’oie. Le mieux est tout de même d’attendre 4-5 ans, car on peut facilement provoquer des blocages. « Ce n’est pas parce qu’on se souvient qu’on jouait soi-même aux échecs très tôt, ironise Alban Anatole, que notre enfant y trouvera son compte… » Attention aussi à l’apprentissage de la victoire et de la défaite : si l’enfant n’aime pas perdre, n’insistez pas non plus. Et ne le faites pas gagner à chaque fois, car face aux copains, il ne comprendra pas pourquoi il peut perdre…
« Aujourd’hui, sous prétexte de stimuler les enfants, on a tendance à aller trop vite, même dans les jouets, plus vite que leur développement ne le leur permet… »
La bonne distance
Pour Dario Cavalié et Alban Anatole, « les parents doivent s’autoriser à tester un jouet avant un achat. Et penser à observer la chambre de leur enfant : de quoi est-elle déjà pleine ? Comment lui apporter de la diversité ? Laissons tomber nos envies et projections d’adultes. Aujourd’hui, sous prétexte de stimuler les enfants, puis de les rendre autonomes, on a tendance à aller trop vite, même dans les jouets, plus vite que leur développement ne le leur permet… »
Alors, quel que soit le choix des jouets de Noël, rappelons-nous que le jeu est le domaine de liberté des enfants. À partir du moment où leurs jouets suivent les normes de sécurité et sont bien adaptés à leur développement, ils peuvent expérimenter, répéter, imaginer, faire semblant… sans fin !
Dossier réalisé par : Isabelle Pouyllau. Illustration : Clothilde Delacroix. Photos : © Adobe Stock.
*Cette nomination vient de la classification ESAR, pour Exercice, Symbolique, Assemblage, Règle. Utilisée en ludothèque, elle identifie quatre familles de jeux, correspondant à quatre grands stades de développement de l’enfant.
Merci à l’ensemble du personnel de la ludothèque Patte-d’oie, à Toulouse, pour leur accueil et à l’Association des ludothèques françaises.
Pour aller plus loin : ALF (association des ludothèques françaises) : http://www.kananas.com/associationdesludothequesfrancaises/
Lire aussi : Le père Noël existe-t-il (et autres légendes de l’enfance) ?
Et encore : Notre sélection cadeau de Noël 2020 !