Votre enfant a du mal à parler ? Il inverse parfois les syllabes ou bute sur certains mots ? Il est peut-être temps de consulter un orthophoniste. Pas d’inquiétude : ces professionnels savent repérer les troubles du langage chez l’enfant et proposent un suivi efficace (et ludique) pour les corriger.
L’orthophoniste Françoise Garcia nous en dit plus…
Qu’est-ce qu’un bilan orthophonique ?
Françoise Garcia : C’est ce qui nous permet d’évaluer les compétences et les difficultés de l’enfant en matière de langage, lors de la première consultation. L’orthophoniste vérifie à la fois la compréhension de l’enfant (celle des mots, des phrases en contexte et hors contexte…) et sa production (sa capacité à communiquer par le langage, à formuler des phrases structurées, à utiliser des mots de vocabulaire, à les prononcer correctement…).
Comment ce bilan est-il fait ?
F.G. : D’abord, l’orthophoniste s’informe sur l’histoire médicale de l’enfant. Il s’intéresse à son développement global et à ses difficultés de langage, puis il cherche des liens possibles avec d’autres problèmes : il se demande par exemple si l’enfant mange correctement (car la parole et l’alimentation impliquent les mêmes parties du corps) ou s’il a eu des otites à répétition (car elles peuvent entraîner des troubles de l’audition). Ensuite, l’orthophoniste observe les compétences de l’enfant en matière de langage. Pour cela, il s’adresse directement à lui et lui propose des jeux le mettant en situation de communication. Il existe également des tests normés, utilisés pour affiner ce bilan.
Quand est-il conseillé de faire passer un bilan orthophonique à son enfant ?
F.G.: Dès que les parents sont inquiets concernant le langage de leur enfant, ils doivent contacter un orthophoniste par téléphone. Celui-ci va les écouter et voir s’il y a lieu de prendre rendez-vous pour un bilan orthophonique ou non. Un tel bilan peut être fait dès 18 mois et sera bien sûr adapté à l’âge de l’enfant. Il arrive que l’orthophoniste rassure simplement les parents, en leur montrant que leur enfant développe des compétences langagières solides bien qu’imparfaites. Il peut aussi leur conseiller d’attendre quelques mois avant de consulter, si l’enfant ne s’améliore pas entre temps.
Quels sont les problèmes les plus fréquents ?
F.G.: Entre 3 et 6 ans, les problèmes orthophoniques les plus souvent rencontrés sont :
- les troubles du langage oral : l’enfant entend bien les mots mais a des difficultés à en percevoir l’image acoustique et à la reproduire correctement ou à ordonner les sons ;
- le retard de parole : l’enfant perçoit les mots correctement mais ne les prononce pas bien, parce qu’il n’arrive pas à ordonner l’ordre des sons ;
- le bégaiement, pour lequel une visite chez l’orthophoniste peut être utile pour accompagner l’enfant et son entourage et ainsi s’assurer qu’aucun « biais » ne perturbe la communication familiale ;
- les troubles articulatoires, mais l’articulation exige une certaine maturation que l’enfant acquiert petit à petit, en grandissant. Par exemple, pour dire « ch », il faut une force au niveau des joues que les tout-petits n’ont pas. Les problèmes d’articulation, très courants chez les enfants, ne nécessitent un bilan orthophonique que s’ils sont nombreux ou associés à une mauvaise compréhension.
En quoi consiste le suivi par l’orthophoniste, après le bilan ?
F.G. : Environ 30% des bilans ne sont pas suivis d’une prise en charge, soit parce que l’orthophoniste constate que l’enfant n’a pas besoin de soins, soit par ce qu’il oriente la famille vers d’autres spécialistes. Pour les autres cas, le suivi n’est pas forcément très lourd et les séances prennent la forme d’interactions autour de jeux, jouets, livres, etc. Dans certains cas, une dizaine de séances suffit pour améliorer le langage et éviter les effets négatifs sur le comportement de l’enfant et de sa famille. Parfois, il faut plusieurs séances par semaine ou une tous les 15 jours… Le suivi peut durer 4 ou 5 mois et alterner avec des moments de fenêtre thérapeutique (arrêt des consultations pendant quelques mois pour laisser à l’enfant le temps de grandir). Chaque cas est unique et l’orthophoniste s’adapte. Il veille aussi à ce que le problème de langage de l’enfant n’ait pas d’impact sur son estime de soi et il peut, si besoin, recommander la consultation d’un psychologue en parallèle.
Quel rôle l’entourage joue-t-il dans cette thérapie ?
F.G.: Un rôle important ! C’est pourquoi l’orthophoniste est attentif à la famille de l’enfant et à l’effet que son trouble peut avoir sur elle. Il arrive, par exemple, que les parents attachent trop d’importance à la perfection du langage et que la pression reposant ainsi sur l’enfant provoque un blocage. L’orthophoniste joue aussi un rôle de conseil auprès des parents, car ce sont eux qui aident l’enfant à progresser au quotidien : il peut leur recommander de limiter les temps d’écrans de l’enfant, de lui parler lentement, de se mettre à sa hauteur et bien en face pour discuter avec lui… Ces conseils peuvent être étendus à tous les adultes que l’enfant côtoie (assistantes maternelles, enseignants…) afin de l’aider, tous ensemble, à mieux parler.
Pourquoi la prise en charge doit-elle commencer avant 6 ans ?
F.G. : Sans bonne maîtrise du langage oral, l’enfant risque d’avoir des difficultés pour apprendre à lire et à écrire en CP, ce qui aura ensuite un impact négatif très important sur sa scolarité ! Il faut donc prendre en charge les troubles du langage le plutôt tôt possible. Certains sont simples et se corrigent en quelques séances. D’autres, comme la dysphasie, sont plus importants : il faut alors beaucoup travailler avec l’enfant pour qu’il puisse développer des stratégies de compensation dont il aura besoin toute sa vie et qui s’acquièrent très tôt dans l’enfance.
Chacun son rythme !
Pour s’informer sur les grandes étapes de l’apprentissage du langage, Françoise Garcia conseille de consulter le site info-langages.org.
« Il est bon de connaître ces étapes avant de s’inquiéter mais il faut aussi être conscient des variations individuelles du développement, précise l’orthophoniste. Par exemple, l’apparition du premier mot peut aller de 8 à 18 mois sans que, pour cela, la situation soit pathologique. Tout l’intérêt du bilan orthophonique est d’évaluer si on est dans une variable de développement normale ou s’il y a un problème à corriger. »
Françoise Garcia est orthophoniste et vice-présidente chargée de la prévention et de la promotion de la santé au sein de la FNO (Fédération Nationale des Orthophonistes).