Parler des émotions avec son enfant - Toupie MagazineLes émotions ? Pas toujours facile de les comprendre et encore moins de les contrôler… surtout quand on a moins de 6 ans !
Il faut les apprivoiser petit à petit, pour mieux les reconnaître, les maîtriser et les exprimer calmement.
Comment aider son enfant dans cet apprentissage ? Le secret, c’est d’en parler avec lui !
Isabelle Filliozat, spécialiste de la parentalité positive, nous en dit plus.

 

Pourquoi parler des émotions avec son enfant ?

Isabelle Filliozat : À 6 ans, les enfants n’ont pas encore construit les réseaux de neurones nécessaires pour donner du sens à tout ce qu’ils sont en train de vivre et de ressentir. Ils ne se repèrent pas encore vraiment dans le temps : ils vivent dans le présent et, pour eux, chaque émotion prend des proportions phénoménales. En permettant à l’enfant d’exprimer son émotion au moment où il la vit, puis en l’aidant à mettre des mots dessus une fois qu’il est calmé, les parents construisent littéralement les réseaux de neurones entre son cerveau préfrontal (ce qui permet d’analyser et de donner du sens) et les zones émotionnelles de son cerveau. Cela développe l’intelligence émotionnelle de l’enfant, ce qui lui donne les moyens, à terme, de mieux maîtriser ses émotions et également de mieux comprendre celles des autres.

 

Comment parler des émotions avec son enfant ?

I.F. : Souvent, les parents parlent des émotions à leur enfant au moment où celui-ci en vit une. Par exemple, ils lui disent « tu es frustré, mais ce n’est pas une raison pour hurler et taper » alors même qu’il exprime sa colère. Or l’enfant est incapable d’entendre quoi que ce soit quand il est pris dans le tourbillon de son émotion. Il vaut mieux en parler avant et après, quand il est calme et à l’écoute. Les parents peuvent alors lui expliquer qu’il y a plusieurs types d’émotions – la joie, la peur, la colère, la tristesse… – et lui fournir les informations dont il a besoin pour bien les appréhender. Lire des livres avec son enfant peut être un bon moyen. C’est l’occasion de s’attarder sur les personnages et de poser quelques questions : à quoi voit-on que le personnage est triste ou joyeux ? Pour quelles raisons ressent-il cette émotion ? Comment l’exprime-t-il ? Ils peuvent également lui donner des astuces pour l’aider à mieux gérer ses émotions.

 

Faut-il parler de ses propres émotions à son enfant ?

I.F. : Oui, c’est très conseillé ! Parler de ses propres émotions au quotidien est un bon moyen d’aborder le sujet et de développer l’empathie de l’enfant. C’est aussi une très bonne façon d’enseigner aux enfants à exprimer leurs propres émotions sans se laisser envahir. En effet, les enfants apprennent beaucoup en écoutant et en regardant leur parents et ils reproduisent ce qu’il font. Si un parent dit « je suis très en colère » en donnant une gifle, il enseigne à son enfant que, quand on est en colère, on frappe. Si, au contraire, le parent met en mots son émotion et explique qu’il va souffler pour se calmer, l’enfant va apprendre comment bien gérer sa colère.

 

Faut-il protéger l’enfant de certaines émotions d’adultes ?

I.F. : Pas vraiment ! Les enfants ont des neurones « miroirs » et des neurones « fuseaux » qui leur permettent d’identifier et de ressentir dans leur propre corps l’émotion de leur maman ou de leur papa. Si un parent cherche à cacher sa tristesse ou sa colère par exemple, l’enfant va sentir que quelque chose ne va pas sans pour autant comprendre ce qu’il se passe. Il risque alors de croire que c’est lui qui ne va pas bien et il se peut alors qu’il vive l’émotion en question, sans prise de distance. Ainsi, si une maman est en colère contre son mari et qu’elle n’en dit rien à son enfant, celui-ci risque de faire beaucoup de colères au quotidien. Si la mère a peur de quelque chose et qu’elle n’en dit rien, l’enfant risque d’avoir peur de tout. Je conseille donc de parler de ses propres émotions à son enfant, sans pour autant révéler tous les détails de la situation !

 

Comment réagir quand l’enfant est envahi par une émotion ?

I.F. : À ce moment-là, plus question de discuter ! Quand l’enfant est envahi par l’émotion, c’est surtout par le stress qu’il est débordé. C’est le cas même pour la joie. En effet, si l’enfant ne maîtrise pas sa joie extrême, c’est souvent parce que qu’il a été stressé : il a dû rester assis pendant longtemps ou bien il est entouré de stimulations, comme dans une fête foraine. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, envoyer l’enfant au coin n’est pas une bonne idée ! Cela ne va faire qu’augmenter son stress. Certes l’enfant puni va probablement se figer car il est naturel, chez lui, de s’immobiliser quand la figure d’attachement n’est plus présente. Toutefois, cette réaction de figement ne traduit pas une situation de maîtrise. C’est pourquoi, dès qu’il va sortir du coin, l’enfant va s’énerver de nouveau. Pour diminuer son stress, on peut le laisser courir, bouger, sauter ou encore le prendre dans ses bras : les câlins aident l’enfant à produire de l’ocytocine, une hormone sécrétée par le cerveau qui permet à l’organisme de réduire le stress.

 

Le cahier des émotions

Pour parler des émotions avec les enfants, Isabelle Filliozat et Virginie Limousin (thérapeute pour enfants et familles, psychopraticienne et coach parental) ont imaginé un cahier avec plus de 100 pages d’activités et 2 planches d’autocollants. Coller, dessiner, colorier, découper, imaginer : les enfants apprivoisent ainsi les émotions tout en s’amusant. Seul ou en famille, à 3 ans comme à 14 ans : libre à chacun d’utiliser ce cahier comme il lui plait ! Et à la fin, un texte signé Isabelle Filliozat aide les parents à y voir plus clair.

Les cahiers Filliozat, mes émotions, Isabelle Filliozat, Virginie Limousin, Eric Veillé, Nathan, 12,90 €.

 

Quand Toupie demande : « Comment-ça va, aujourd’hui ? »

Depuis septembre et la nouvelle formule de Toupie, votre magazine vous propose en première page une rubrique intitulée « Comment ça va, aujourd’hui ? ». Voilà donc une nouvelle occasion de parler régulièrement des émotions avec votre enfant et de l’aider à développer sa capacité à les gérer et son empathie. Chaque mois, six émotions sont personnifiées afin d’être bien identifiées par votre enfant et qu’il puisse prendre appui sur elles pour mettre en mot ce qu’il ressent. À vous, parents, d’en faire un rituel d’entrée dans le magazine et de jouer le jeu, vous aussi, en expliquant à votre enfant quelles sont vos émotions du moment.

Isabelle Filliozat est psychothérapeute et spécialiste de la parentalité positive. Elle est l’auteur de Au cœur des émotions de l’enfant, J’ai tout essayé et L’intelligence du cœur.

Lisez aussi notre interview d’Isabelle Filliozat sur la frustration des enfants !