Tout n’est pas rose dans la vie de bébé : parfois, des peurs viennent le tourmenter. Peur d’être séparé de Papa-Maman, de l’eau, des animaux, du noir, du monstre sous le lit ! La psychologue Béatrice Copper-Royer nous aide à comprendre ces angoisses… 

 

Béatrice Copper-Royer est psychologue spécialiste de l’enfance et auteure de Peur du loup, peur de tout. Peurs, angoisses, phobies chez l’enfant et l’adolescent (Albin Michel).

Qu’est-ce que la peur ?

Béatrice Copper-Royer : La peur est un signal d’alerte qui déclenche nos réflexes d’autoprotection : elle nous pousse à nous mobiliser ou à fuir face au danger. Cette émotion est utile quand le danger est réel, mais la peur peut aussi parfois être déconnectée de la réalité. Quand notre imagination nous joue des tours et nous fait croire à des dangers qui n’existent pas vraiment, on parle de phobie.

 

Quelle est la plus grande peur des tout-petits ?

B. C.-R. : La première peur du bébé est celle du visage de l’étranger. Elle apparaît vers 8 mois, quand l’enfant comprend qu’il ne fait pas qu’un avec sa mère et qu’il peut être séparé d’elle. Le bébé, qui auparavant passait de bras en bras sans appréhension, se met à pleurer face aux inconnus, craignant qu’ils l’éloignent de ses parents. D’une manière générale, le petit homme est très habité par la peur de l’abandon. Il sait qu’il est totalement dépendant des soins de ses parents et c’est pourquoi le fait d’être séparé d’eux suscite de l’angoisse et des pleurs.

 

Quelles sont les autres peurs fréquentes des bébés ?

B. C.-R. : Les bébés ont souvent peur des bruits forts, par exemple celui de l’aspirateur, tout simplement parce qu’ils ne les maîtrisent pas. Beaucoup de tout-petits craignent aussi l’eau, parce qu’ils n’aiment pas qu’elle rentre dans leurs yeux et leur nez pendant le bain. D’autres encore sont effrayés par les animaux. Vers 3 ans, certains commencent à avoir peur d’hypothétiques cambrioleurs et, en ce moment, des terroristes : ils s’imaginent des personnages inquiétants qui viennent les enlever et leur faire du mal.

Comment les rassurer ?

B. C.-R. : Tous les enfants ressentent de la peur à certains moments. Il ne faut pas s’inquiéter : c’est un signe de bonne santé psychique. Pour les rassurer, il vaut mieux ne pas trop entrer dans leur logique. Le message à faire passer par les parents est simple : « On est là pour te protéger ». Pour dépasser ses phobies, l’enfant doit se familiariser de manière très progressive avec ce qui lui fait peur. La présence de ses parents va l’aider à se sentir en sécurité et à comprendre qu’il n’y a pas de danger. On peut lui donner la main ou le prendre dans ses bras pour aller, tout doucement, à la rencontre de ce qui l’effraie. Une confrontation brutale serait contre-productive.

Et pour la peur du noir ?

B. C.-R. : Elle apparaît souvent vers 2 ans. Le noir inquiète les tout-petits parce que c’est un univers qu’ils ne maîtrisent pas et où ils perdent leurs repères. De plus, on ne voit rien dans l’obscurité et cela laisse libre cours à l’imagination ! Si un enfant a peur du noir, je conseille d’utiliser une veilleuse pour le rassurer. C’est vrai que, dans certains cas, plus on évite la situation redoutée et plus la peur persiste… mais pour les tout-petits, il faut être souple ! À 10 ans, même s’il a toujours dormi avec une veilleuse, un enfant n’aura plus peur du noir.

D’où viennent ces peurs ?

B. C.-R. : Vers 3 ans, l’enfant est aux prises avec des émotions complexes de rivalité avec ses parents. Il a en lui une agressivité et une certaine culpabilité qu’il n’arrive pas à comprendre et qui le mettent mal à l’aise. Il va alors déplacer cet inconfort psychique sur une situation concrète, et le transformer inconsciemment en phobie. Pour les plus jeunes, il arrive souvent que les peurs soient simplement transmises au sein de la famille. Les enfants sont des éponges : ils adoptent très facilement les peurs de leurs parents. Si une mère a la phobie des chiens, par exemple, il y a de fortes chances que son bébé ait également peur des chiens. Pour éviter de transmettre ce genre de peurs irraisonnées, il faut les identifier, les nommer et simplement dire à son bébé : « Moi, cela me fait peur mais, en réalité, ce n’est pas dangereux. Tu n’as pas besoin d’avoir peur. »


Et si on jouait à se faire peur ?

S’amuser à se faire peur est une bonne façon d’apprivoiser ses craintes et d’apprendre à les surmonter. Le cache-cache, par exemple, permet de mettre en scène la peur de se perdre ou d’être abandonné… et de rassurer les enfants, puisqu’ils sont toujours retrouvés à la fin ! Les contes classiques les aident aussi à prendre de la distance avec leurs propres peurs, mais seulement à partir de 4-5 ans. Quand ils écoutent l’histoire des trois petits cochons dévorés par le grand méchant loup ou celle du Petit Poucet perdu dans la forêt, tranquillement installés sur les genoux de leurs parents, ils frissonnent tout en sachant qu’ils n’ont rien à craindre. « Cela fonctionne un peu comme un vaccin contre la peur ! », conclut Béatrice Copper-Royer.


Propos recueillis par Élise Rengot.

Illustration de Clothilde Delacroix.