L’arrivée d’un nouveau bébé au sein d’une famille est un grand bouleversement, tant pour les parents que pour leur premier enfant, jusqu’ici unique. Comment faire pour que ce bébé soit accueilli le mieux possible par son grand frère ou sa grande sœur ? Réponses avec Harry Ifergan, psychologue, psychanalyste et auteur de Mieux comprendre votre enfant*.

Quand annoncer l’arrivée d’un bébé à son aîné ?

Harry Ifergan : Il est important d’attendre quelques semaines, voire deux ou trois mois, avant de dire à son enfant qu’un bébé va venir agrandir la famille. Car, tristement, les fausses couches, les problèmes diagnostiqués à l’échographie existent ; il n’est donc pas question de créer une attente qui pourrait se transformer en terrible déception. Mais, aux alentours de trois mois, lorsque l’on a commencé à prévenir son entourage, il serait dommage de ne pas l’annoncer à son enfant. D’autant plus que, souvent, les petits le devinent très tôt ! Il est donc important d’impliquer l’enfant, mais en fonction de son âge, de sa maturité et aussi du degré d’acceptation qu’il va montrer : si on le lui dit une fois, qu’il vaque à ses occupations et qu’il n’a pas l’air plus intéressé que ça, rien ne sert d’insister. À l’inverse, il peut se montrer très insistant et poser beaucoup de questions : comment est-il ? Comment s’appelle-t-il ? Est-ce que je vais pouvoir jouer avec lui ? Dans ce cas, il s’agit de rester vigilant et, s’il le faut, calmer cette ardeur, qui peut parfois être le signe d’angoisse ou d’anxiété.

Comment le lui dire ?

H. I. : L’arrivée d’un bébé est, dans la majorité des cas, un événement heureux. Autant donc le présenter de la manière la plus positive et la plus optimiste possible. Mais je propose, dans le discours, d’impliquer plutôt les parents que l’enfant : « Papa et moi allons avoir un bébé et, du coup, tu vas avoir un petit frère ou une petite sœur. » Car on fait un bébé pour soi, pas pour son enfant. Cela sous-entend pour l’aîné qu’il a également été l’objet d’un désir entre Papa et Maman, que lui aussi a été conçu de cette manière. On peut terminer en disant : « Tu vois, Papa et Maman sont très contents. Est-ce que toi aussi tu es content ? » En revanche, il faut éviter de dire « Nous espérons que tu es content », ce qui sous-entendrait « Ne nous dis pas que tu n’es pas content ». En lui posant la question, on accepte d’entendre l’avis de son enfant.

Comment le préparer à l’arrivée du nouveau-né ?

H. I. : Il est bon d’expliquer à son enfant tout ce qui va se passer dans les mois à venir : cela peut commencer en lui montrant les clichés de l’échographie, en l’emmenant dans les magasins de puériculture, en lui demandant son aide et son avis… On inclut donc l’aîné dans les préparatifs, mais seulement s’il le veut… Et il a le droit de ne pas vouloir ! On peut également lui expliquer qu’au fur et à mesure, le ventre de Maman va s’arrondir, qu’elle ne pourra plus monter les escaliers aussi vite, ou le porter aussi facilement, que l’on risque de se réveiller beaucoup pendant la nuit, parce qu’un bébé n’a pas d’horaires pour manger, et qu’il risque de pleurer beaucoup parce qu’il ne sait pas parler pour dire ce qui ne va pas. Et que, dans ces conditions, Maman et Papa seront fatigués et donc peut-être plus nerveux que d’habitude. Il est important de lui rappeler qu’il ne peut pas tout avoir, tout le temps et tout de suite, mais qu’on l’aimera toujours autant, et que, surtout, c’est grâce à lui que l’on est devenus parents.

La jalousie est-elle un passage obligé ?

H. I. : Lorsque deux à quatre années séparent les deux enfants, il y a des éléments de jalousie manifestes ou latents, même si certains aînés ne sont pas jaloux… ce qui n’est d’ailleurs pas grave ! Des petites phrases telles que « Quand il va naître, où est-ce qu’on va le mettre ? À la poubelle ? », « Il est bête, je lui parle et il ne comprend rien » ou « Il ne fait que dormir et pleurer » sont relativement courantes. Parfois, cela va jusqu’à l’agressivité physique. Pour cette raison, on ne laisse jamais un bébé seul avec son grand frère ou sa grande sœur, ou alors en donnant à ce dernier un rôle bien précis, comme surveiller le bébé pendant de courtes minutes. En lui confiant cette fonction, on marque sa supériorité, tout en évitant de lui dire qu’il est le grand, celui qui n’a plus le droit d’être le bébé de son papa ou de sa maman. Car, ce que peut redouter un enfant à ce moment-là, c’est d’avoir moins d’attention de ses parents, moins de câlins, tout simplement moins d’amour. Il ne faut donc pas hésiter à lui assurer que même lorsque son frère ou sa sœur va naître, il y aura toujours des moments privilégiés, des rendez-vous réguliers et ritualisés, seul avec Papa ou seul avec Maman, comme aller à la piscine, lire des histoires, etc. Et il faut également lui rappeler qu’il a le droit de demander à ce qu’on s’occupe de lui s’il en ressent le besoin. Une astuce : un minuteur, qui ne sert qu’à lui, peut permettre de réguler ces moments. Quand il sonne, cela veut dire que commence maintenant le temps du grand !

Propos recueillis par Delphine Soury

* Mieux comprendre votre enfant, Harry Ifergan, Marabout, 15 €.