C’est un fait : que ce soit à la maison ou à l’école, l’environnement sonore des enfants est de plus en plus bruyant. Si les sons qui nous entourent sont vecteurs de sens et d’émotions, ils peuvent aussi devenir gênants, voire dangereux pour la santé. Alors, comment protéger nos enfants de l’exposition au bruit, tout en les laissant découvrir et évoluer dans le monde qui les entoure ? Réponses avec Valérie Rozec, docteur en psychologie de l’environnement et chargée d’études et de recherche au CIDB (Centre d’information et de documentation sur le bruit).

Qu’en est-il des niveaux sonores à l’école ?

Valérie Rozec : Plus les enfants sont nombreux, plus ils font de bruit. Les niveaux sonores atteints à l’école sont donc importants. Dans certaines cours, le bruit peut monter à 90 dB, alors que le seuil de danger pour l’oreille est situé à 85 dB. Dans les salles de classe en maternelle, il faut également compter sur les jouets sonores, ceux sur lesquels les enfants tapent… Et puis le point noir, ce sont souvent les cantines : la prise en compte de l’acoustique y est relativement récente, alors que ce sont des lieux extrêmement bruyants. Or, comme l’a montré une étude, les enfants mangent moins bien dans un environnement où le niveau sonore est élevé. Pour preuve : les poubelles sont plus remplies.

 

Le bruit a-t-il une influence sur les apprentissages ?

V. R. : Oui. Se concentrer et apprendre dans le bruit est plus compliqué, notamment pour les enfants de maternelle, qui sont en pleine période d’acquisition du langage. Par exemple, s’il y a du bruit dans la classe et qu’ils n’ont pas compris un mot dans une phrase que vient de dire l’enseignant, ils n’ont pas encore forcément le vocabulaire nécessaire pour combler ce manque. Chez les plus grands, exposés aux bruit venant de l’extérieurs (circulation, avions…) on remarque des retards dans l’apprentissage de la lecture et plus de fautes d’orthographe. Ces bruits ont une autre conséquence : les connaissances transmises sont moins importantes. En effet, un enseignant qui travaille dans un environnement sonore bruyant donne moins d’informations, car il est constamment interrompu.

 

Et le bruit à la maison ?

V. R. : L’étude que nous menons depuis trois ans montre que les enfants sont notamment gênés par le bruit de la fratrie. Le fait d’être dans la même chambre qu’un enfant plus âgé ou plus jeune, perturbe le sommeil de l’un ou de l’autre parce qu’ils n’ont souvent pas le même rythme.

Quant aux jouets numériques, aux tablettes et aux baladeurs MP3, ils peuvent être même source de danger s’ils ne sont pas utilisés à bon escient. En effet, on constate que les enfants, de plus en plus jeunes, possèdent des lecteurs MP3 pour la musique ou une tablette pour les films. Or, leur écoute n’est souvent pas raisonnée, car elle dure longtemps et le son est trop fort, comme par exemple le soir pour s’endormir, ou pendant un long trajet en voiture. Le principe à appliquer est donc que plus l’écoute se prolonge, moins il faut mettre le son fort. Il revient aux parents de limiter le temps (une heure d’affilée maximum, par exemple) et de surveiller l’intensité. Pour information, les baladeurs MP3 montent jusqu’à 100 dB. À ce stade, une écoute sans danger doit se limiter à 15 minutes.

Le bruit a un impact réel sur la santé de l’enfant ?

V. R. : Oui, à différents niveaux. Tout d’abord, comme celles d’un adulte, les oreilles d’un enfant sont fragiles et ce, d’autant plus que plus les enfants sont jeunes, et moins ils sont en capacité de se protéger et d’agir par eux-mêmes sur un bruit potentiellement dangereux. Ensuite, le bruit a une influence sur le sommeil de l’enfant : lorsque qu’un enfant a passé sa journée dans un endroit bruyant, son organisme a accumulé cette énergie sonore. Cela a pour conséquence, même si l’enfant se couche ensuite dans un endroit calme, de retarder le moment de l’endormissement. De plus, c’est une idée reçue de penser qu’il est bon pour un enfant d’apprendre à s’endormir dans le bruit. Télévision et home cinéma, fêtes, aspirateur… Le cerveau enregistre tous ces bruits, qui dégradent la qualité du sommeil de l’enfant : stress, mauvaise humeur, réveils plus fréquents, changement de rythme dans les stades du sommeil… Or, le sommeil est très important, car il permet à l’enfant de se construire et de grandir. Si le sommeil est perturbé de manière récurrente, c’est toute la croissance de l’enfant qui peut l’être aussi. Enfin, à plus long terme, l’exposition à un environnement sonore élevé (comme par exemple les bruits routiers) peut entraîner des maladies cardio-vasculaires et des problèmes de tension à l’âge adulte.

 

Quelle attitude doivent adopter les parents ?

V. R. : L’environnement sonore des enfants est de plus en plus bruyant, dans la mesure où le nôtre l’est également. Dans un premier temps, cela revient donc à nous, adultes, de préserver leurs oreilles, S’en s’empêcher de vivre, il faut essayer, le plus possible d’atténuer les niveaux sonores. Mais la stimulation sonore aussi est importante : la variété des sons permet à l’enfant de se développer et d’appréhender son environnement, car ils sont intimement liés aux émotions.

 

Propos recueillis par Delphine Soury

 

Le site du CIDB

Une oreille en devenir

A la naissance, l’oreille du nourrisson est complète. En revanche, la partie du cerveau qui traite l’information sonore est encore en développement et ce n’est qu’entre 4 et 8 ans que tous les centres auditifs y seront achevés. Pour cette raison, il faut attendre l’âge de 5 ans avant que l’enfant entende certaines fréquences aigues, et même 10 ans pour certaines fréquences graves. Mais cela dépend aussi de chaque personne.