3 questions à…

Sophie Kern, chargée de recherche au laboratoire Dynamique du langage de Lyon.

Quand commence l’acquisition du langage ?

Elle débute in utero, au 6e mois de grossesse. Le fœtus perçoit les voix basses et est sensible à la prosodie (le rythme, le ton, les pauses, les longueurs). Évidemment, il ne comprend pas, mais est baigné dans une sorte d’enveloppe musicale qui l’aidera, à la naissance, à reconnaître les sonorités de sa ou ses langues maternelles. 

Comment parler à bébé ? 

Inconsciemment, les adultes s’adressent à l’enfant de façon adaptée. Ils insistent sur les noms et les verbes, exagèrent les pauses et utilisent des intonations montantes qui aident l’enfant à comprendre le discours, à le segmenter et à appréhender l’organisation des tours de parole. Il est donc important de parler un maximum à bébé en lui laissant l’occasion de prendre part à la conversation, tout en adaptant le vocabulaire à son niveau. Pour cela, il faut privilégier les mots du quotidien, sans pour autant utiliser un lexique réducteur (éviter de dire «   bibi  » pour «  biberon   », par exemple). 

Quand faut-il s’inquiéter d’un retard de langage ?

Il est difficile de faire un diagnostic avant environ 2 ans et demi, car il existe des différences interindividuelles liées à la maturation cognitive de chaque enfant. Mais certains comportements peuvent alerter, comme l’absence totale de babillage autour de 8 mois ou le manque de réaction aux stimuli auditifs, pouvant révéler une surdité non détectée à la naissance. Il faut aussi être attentif aux bébés à risque, notamment les prématurés et ceux ayant des otites séreuses à répétition. Dans tous les cas, la première chose à faire est d’en parler avec le médecin qui suit l’enfant. Si le souci est purement langagier, un orthophoniste saura prendre le relais

© FAB/Adobe Stock.

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Les étapes dans l’acquisition du langage

À la naissance, je distingue tous les sons du monde : c’est la perception universelle. Après 6 mois, je perds cette compétence et me focalise sur ma langue maternelle.

Autour de 5 mois, je babille, en répétant des syllabes qui n’ont pas de sens («  papapa  », «  mamama  »). Si elles ressemblent à «  papa  » ou  «  maman  », ce n’est qu’un hasard, car il s’agit simplement des sons les plus faciles à prononcer ! 

Vers 9 mois, je fais le lien entre un mot et ce qu’il représente. Je communique aussi par des gestes,
en pointant du doigt ou en tendant les bras. 

Vers 12 mois, je produis mes premiers mots, appelés «holophrases  » : un seul mot a le sens d’une phrase entière. Un simple «  papa  » peut signifier « Papa est rentré  ». 

Après 18 mois, la croissance de mon vocabulaire est rapide : c’est l’explosion lexicale.

Dès 24 mois, je combine deux mots comme «  Maman partie  ». J’utilise la possession et pose des questions : «  C’est qui ?  »

À 36 mois, je suis bavard et intègre les mots grammaticaux (prépositions, articles, déterminants…) pour construire des phrases simples et structurées

C’est scientifique !

Il existe en hindi, deux types de «   t    », dont la différence est quasi inaudible pour un adulte qui ne parle pas cette langue. Des chercheurs ont fait écouter ces deux variantes sonores à des bébés américains et près de 100 % d’entre eux étaient capables de les distinguer entre 6 et 8 mois, contre seulement 20 % entre 10 et 12 mois. Preuve que bébé perd la capacité à percevoir des phonèmes* qui ne sont pas utilisés dans sa langue maternelle.

* Plus petite unité distinctive d’une langue. 
Source : Études des chercheurs Werker et Tees.

Dossier réalisé par Marie Greco.