Pourquoi avoir transformé la cour de l’école ?
La rénovation du bâtiment scolaire et de la cour de récréation s’inscrit dans un plan d’amélioration du confort d’été. Presque 100 % minéralisée et assez peu ombragée, la cour renvoyait la chaleur et il était important d’y remédier. Nous avons donc transformé 1/3 des espaces bétonnés en îlots de fraîcheur, pour nous aider à supporter les périodes de canicule et faire face à l’augmentation des températures. Mais, au-delà de l’intérêt purement thermique, la construction de cette « cour oasis » était aussi un moyen de sensibiliser les enfants aux questions environnementales et de les initier à un projet citoyen et civique.
Cela signifie-t-il que les élèves ont aussi contribué à la conception de cette cour ?
Exactement ! Nous nous sommes dit que ce serait l’occasion d’amener les enfants à réfléchir à leur cadre de vie, à l’écologie et au dérèglement climatique de manière générale. Nous leur avons donc demandé ce qu’ils aimeraient voir dans leur cour et ce qui devrait, au contraire, être évité. Les enseignants se sont prêtés au même exercice, tout comme l’équipe d’animation périscolaire et celle des espaces verts. Forcément, les objectifs des enfants et des adultes étaient un peu différents. Mais les élèves ont été force de proposition et, bien que leurs préoccupations soient plutôt d’ordre ludique que thermique ou sécuritaire, beaucoup de choses, pleines de bon sens, sont ressorties, notamment un jardin pédagogique. Puis, nous avons pioché par-ci, par-là les attendus et les impératifs des uns et des autres, pour aboutir à un consensus et établir un plan.
Quid des parents ?
Nous n’avons pas demandé aux parents de participer, mais le projet a été très bien accueilli. Pour la petite anecdote, je suis arrivé à l’école en 2005, et je me souviens, qu’avec la municipalité, nous avions dû nous battre contre les parents de l’époque pour conserver une petite bande de gazon. Ce carré d’herbe ne représentait pour eux qu’un motif de salissure et ils étaient embêtés à l’idée de voir leurs enfants rentrer de l’école avec des chaussures un peu boueuses. Mais, aujourd’hui, il en va tout autrement, et les parents sont ravis de la végétalisation de la cour. Il y a donc un changement profond des mentalités, et j’en suis ravi !
Concrètement, quels ont été les aménagements ?
Les espaces végétalisés ont augmenté. Ils représentent maintenant 40 à 50 % de la cour, et nous avons choisi avec attention des essences adaptées et résistantes qui apporteront de l’ombre et capteront la pollution. Nous avons aussi porté une grande attention au sol, en disposant des copeaux de bois qui laissent l’eau de pluie s’infiltrer. Le sol n’est donc plus entièrement perméable, comme il l’était avec le béton, et n’emmagasine plus la chaleur. Bien sûr, nous avons gardé un espace bitumé, mais il a été réduit, et la cour a été divisée en plusieurs zones avec des supports pédagogiques et des jeux essentiellement faits en bois. On trouve par exemple un coin cabane, un parcours d’escalade, un espace potager, ainsi qu’une estrade et des gradins qui invitent à donner classe en extérieur et à faire de la cour un lieu d’apprentissage !
C’est là l’un des objectifs de la cour oasis ?
Tout à fait. Nous avions déjà un parc à proximité où les professeurs faisaient la classe pour reconnecter les enfants à la nature. Mais, avec cette cour, c’est d’autant plus pratique ! Nous l’utilisons depuis peu, mais nous aimerions qu’elle devienne un outil pédagogique et d’éveil pour sensibiliser les enfants au respect de l’environnement. L’espace potager, notamment, sera, nous l’espérons, un lieu d’expérimentation et d’éducation sensorielle où les enfants pourront se reconnecter à la nature !
Aviez-vous des appréhensions avant la construction de cette cour oasis ?
Pour être tout à fait honnête, oui. Même si nous étions persuadés de l’importance et du bien-fondé de ce projet, nous avions toutefois des craintes liées à la sécurité des enfants. Il faut dire qu’une cour de récréation minérale et sans petits recoins est relativement sûre et pratique à surveiller pour le personnel de l’école. En un seul coup d’œil, nous avons une vue d’ensemble sur la récréation et nous pouvons repérer les éventuels petits problèmes des élèves. Mais une cour de récréation végétalisée et aménagée en petits espaces, c’est une autre affaire ! Nous étions inquiets à l’idée de ne pas avoir les yeux partout, et que les petits conflits ou les petits bobos se multiplient… Nous avons même été tentés d’instaurer un règlement pour certains espaces.
Et vous ne l’avez pas fait ?
Non, et heureusement ! Nous avons eu la bonne idée d’attendre avant de réglementer la cour de récréation, afin de voir comment les enfants allaient se l’approprier. Par exemple, nous avions un doute sur l’utilisation d’une cabane qui nous semblait assez étroite et convenir aux petits plutôt qu’aux grands. Finalement, nous nous sommes aperçus que les enfants en avaient simplement un usage différent selon les âges et que cela ne posait aucun problème. Dans ce nouvel espace, les enfants se responsabilisent beaucoup… Force est donc de constater qu’aucune de nos craintes n’était fondée.
Vous avez pu mesurer d’autres bénéfices de la cour ?
Oui ! En seulement trois mois d’utilisation, on observe déjà un apaisement du climat scolaire. Avec cette nouvelle cour, il y a beaucoup moins de petites disputes et, contre toute attente, la multiplication des espaces y a fortement contribué ! La plupart du temps, les différends entre élèves étaient liés à des conflits d’usage de la cour. L’un jouait au ballon, l’autre à trappe-trappe et traversait malencontreusement le terrain de foot… et c’était le drame ! Maintenant que les espaces sont délimités par des aménagements, les enfants se réunissent en petits groupes et entrent moins en conflit les uns avec les autres. Le contact avec la nature joue aussi un rôle dans cet apaisement, d’autant qu’il y a des zones de repos et de calme qui laissent place à la flânerie et à l’observation. Quoi qu’il en soit, cette cour a modifié la façon dont se passe la récréation de façon très positive ! En revanche, nous n’avons pas encore assez de recul pour déterminer les bénéfices thermiques… mais nous ne doutons pas que l’été prochain sera bien plus confortable ! C’est pour cela que, d’ici un an ou deux, l’objectif est d’étendre ces cours oasis à toutes les écoles de la ville.
En images :
Avant





Après





Dossier réalisé par Marie Greco.