Avec l’été et les vacances qui arrivent, la question de l’apprentissage de la nage se pose aux parents de jeunes enfants… surtout après trois mois de fermeture des piscines, Covid oblige ! Mais, entre 3 et 6 ans, on parle avant tout d’aisance aquatique. Serge Durali, professeur agrégé à l’UFR STAPS Sorbonne Paris nord, nous explique ce qu’il est possible de faire et d’apprendre, dans l’eau, avec les 3-6 ans…

 

aisance aquatique 6 ansÀ partir de quel âge un enfant peut-il réellement apprendre à nager ?

Serge Durali : Entre 3 et 6 ans, un enfant a des capacités d’apprentissage de base de la nage. Le plus important, c’est d’acquérir des réflexes de respiration. Pour la plupart des gens, apprendre à nager, c’est commencer par mettre la tête sous l’eau et souffler. Or, ce geste, au début, est totalement contre-productif ! Souffler dans l’eau, c’est intéressant quand on sait déjà avancer en nageant. Chez les bébés nageurs, on travaille ce que l’on appelle l’apnée réflexe : on accompagne l’enfant sous l’eau, en immersion. Il est alors capable instinctivement de bloquer sa respiration et de rester 5 ou 6 secondes sous l’eau, puis de remonter à la surface lui-même. Cet automatisme doit être entretenu régulièrement, car il peut disparaître. En cas de chute imprévue dans l’eau, il permet à l’enfant de rester un moment à la surface (entre 5 et 10 secondes) en évitant d’inspirer sous l’eau.

Comment travailler ce réflexe ?

On peut demander à l’enfant de se gonfler, de se remplir d’air, puis de bloquer et de mettre la tête sous l’eau : c’est l’apnée inspiratoire. L’une des caractéristiques du corps humain est que, quand on est en apnée inspiratoire, on flotte. Dès que l’on expire, on coule. Pour pouvoir se déplacer économiquement dans l’eau, il faut que la tête soit alignée avec le reste du corps. Un enfant qui n’accepte pas l’apnée inspiratoire aura sans cesse la tête hors de l’eau, ayant pour conséquence un corps à l’oblique ou à la verticale. Il est alors très difficile pour lui d’avancer. Pour se déplacer dans l’eau et rejoindre le bord de la piscine sans s’épuiser, il faut être à l’horizontale.

Quelle est la bonne position pour accompagner son enfant dans l’eau ?

Si vous êtes dans le petit bassin, ou autour de 80 centimètres de profondeur, c’est-à-dire que vous-même avez pied, prenez votre enfant sous les aisselles, promenez-le doucement, puis accompagnez-le sous l’eau, quitte à le lâcher un peu. L’enfant coupera sa respiration, puis remontera tranquillement. Et on peut faire cet exercice dans une mer très calme. Ce qui permet ensuite de mieux appréhender les vagues.

 

 


Entre 3 et 6 ans, le plus important, c’est d’acquérir des réflexes de respiration.

Serge Durali, formateur Maître Nageur Sauveteur, professeur agrégé STAPS Sorbonne Paris Nord.

 

Peut-on déjà jouer dans les vagues avec eux ?

À partir du moment où l’enfant a appris à prendre de l’air et à le bloquer, il peut s’amuser dans les vagues avec vous. Il aura le réflexe de retenir sa respiration et vous le récupérerez derrière la vague. Tout ce qui peut préparer l’enfant à l’imprévu est intéressant. C’est très formateur. L’important, c’est d’être à côté. Pour qu’il y ait une éducation aux risques, il faut confronter les enfants à des risques subjectifs, c’est-à-dire qui ne sont pas de véritables risques, mais des situations permettant à l’enfant de trouver lui-même des solutions. Avec toujours votre présence à côté, en surveillance. Mais si vous emmenez votre enfant à la mer et qu’il a constamment des brassards, quand il sera dans une situation imprévue, sans brassards, il ne saura pas quoi faire.

 

Bouées et brassards ne donnent pas confiance à l’enfant ?

Quand on est dans l’apprentissage, c’est mieux de ne pas équiper ses enfants avec du matériel de flottaison. Les brassards ou une ceinture de flotteurs les privent de la relation avec le milieu aquatique. C’est la même chose que faire du vélo avec ou sans petite roue. Il faut garder à l’esprit que notre corps est prédisposé à flotter. Les brassards ou les bouées sont surtout là pour rassurer les parents. C’est comme si on nous donnait un parachute la première fois que l’on prend l’avion ! Si l’on donne des brassards à un enfant, il interprétera cela comme une mesure de protection, quel que soit son âge. Il se dira : « Ce milieu est dangereux. » Le matériel de flottaison a donc un effet psychologique, et il bloque l’apprentissage de l’enfant en créant une flottaison artificielle.

 

Faut-il privilégier les lunettes ?

Oui, cela aide à prendre ses repères. Un enfant de 3 ans a l’impression qu’une piscine, c’est un puits sans fond ou qu’il va se remplir d’eau par les oreilles, la bouche, le nez ! C’est rassurant, dans un premier temps, de lui faire voir l’environnement avec des lunettes. Cela lui permet également de se rendre compte de l’état d’apesanteur que provoque la flottaison.

 

Est-ce qu’il vaut mieux apprendre à nager en ayant pied ?

On peut commencer par faire des exercices là où l’enfant a pied. Mais ensuite, en restant tout près de lui, c’est intéressant d’aller dans le grand bassin ou dans une zone où il n’a plus pied. C’est plus formateur pour l’enfant de s’accrocher au bord, de se lâcher, de reprendre de l’air, de se laisser flotter. C’est bien que l’enfant se rende compte que les réactions de l’eau sont les mêmes qu’on ait pied ou pas : on flotte dans le grand bassin aussi !

Peut-on apprendre à un enfant à sauter dans l’eau dès 3 ans ?

Bien sûr, à la condition qu’il ait appris à flotter avant. C’est essentiel, pour tout enfant, de comprendre que l’eau nous porte avant d’arriver à se jeter dans l’eau. Sinon, il pense qu’il va couler au fond du bassin !

 

 


C’est essentiel, pour tout enfant, de comprendre que l’eau nous porte avant d’arriver à se jeter dans l’eau.

 

Que faire avec des enfants qui ont peur de l’eau ?

L’aquaphobie concerne un très faible pourcentage d’enfants. On le voit chez des élèves plus âgés et qui ont affronté un vrai problème, comme être victime d’une noyade. Un aquaphobe est terrorisé par le fait d’aller simplement au bord du bassin à la piscine. Tous les enfants ont peur quand ils vont à la piscine, ça, c’est un réflexe naturel et protecteur. Mais il n’y a aucune raison qu’un enfant, même inquiet, ne rentre pas dans l’eau au bout d’un moment. On peut prendre son enfant sur soi, contre soi, par la main. Cela peut prendre plus ou moins de temps en fonction de l’enfant, de son caractère alors qu’un aquaphobe n’ira pas du tout. Et là, c’est un autre parcours, avec l’aide d’un psychologue, pour soigner un éventuel traumatisme.

 

Quelles sont les bonnes conditions pour découvrir l’eau entre 3 et 6 ans ?

La température de l’eau : à plus de 29° C, on peut rester environ 30 minutes avec son enfant. Dans les piscines municipales, on est plutôt autour de 26-27° C : il vous faut donc rester un petit quart d’heure. Mais, en 15 minutes, on fait déjà beaucoup de choses ! Le confort de l’enfant est essentiel, car il aura vite froid. Pensez à aller à la piscine quand votre enfant est frais et disponible, donc plutôt le matin qu’en fin d’après-midi. En rivière, il faut trouver des endroits calmes, sans courant. En mer, il faut toujours être vigilant, car les enfants peuvent vite s’éloigner compte tenu des vagues, des courants. La plupart des accidents sont dus à des moments d’inattention ou d’oubli de la part de parents.

Pour conclure, peut-on véritablement apprendre à nager, en un été ?

À partir de 5 ans, en un été, on peut apprendre à se déplacer à la surface de l’eau. Mais ça, ce n’est pas savoir nager. Savoir se déplacer sur 85 mètres, en quinze leçons de natation, ça ne garantit pas de pouvoir se récupérer dans une situation imprévue. Comme un copain qui s’amuse à nous couler ou bien tomber en arrière dans une piscine. L’aisance aquatique, encore une fois, c’est être capable de bloquer sa respiration, de se laisser remonter à la surface et de revenir au bord, même « en petit chien ». D’ailleurs, un chien ne nage pas, il reproduit la marche. Pour un enfant, c’est pareil : tête dans l’eau, il faut lui apprendre à allonger les bras vers l’avant et à tirer sur l’eau. Ses jambes vont alors faire un battement qui reproduit le mécanisme de la marche. Et ça, déjà, ça permet de revenir au bord. On peut le travailler, en plaçant un ballon à deux mètres de distance et demander d’aller le chercher, tête dans l’eau. Quand il n’aura plus d’air, l’enfant viendra respirer et il remettra sa tête dans l’eau pour mieux repartir. Nager tête levée, hors de l’eau, est épuisant, car cette position freine énormément. À l’oblique, on n’avance pas ! Il faut garder à l’esprit que le corps humain travaille au moindre coût.


erge Durali professeur agrégé à l’UFR STAPS Sorbonne Paris nordSerge Durali a participé en janvier à la Conférence nationale de consensus sur l’aisance aquatique, mise en place par le ministère des Sports.

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