3 questions à…

Gérard Neyrand, sociologue, spécialisé dans l’étude des relations privées

Y a-t-il aujourd’hui une évolution du rôle du père ?

Oui, on donne de plus en plus d’importance à la paternité, comme en témoignent les situations monoparentales : aujourd’hui, en cas de divorce, 13 % des enfants résident exclusivement chez leur père et 20 % sont en résidence alternée. À la fin du xxe siècle, la garde alternée n’étant pas encore reconnue (il faut attendre 2002 pour qu’elle le soit), les chiffres de résidence chez le père avoisinaient seulement les 7 % : cela prouve son investissement grandissant dans la sphère familiale.

Les inégalités de genre face à la parentalité persistent-elles ?

On tend à une équité des places au sein du paysage familial, mais le rôle du père est souvent décrit comme « complémentaire » de celui de la mère. Il se voit encore souvent relégué à une place secondaire et doit prouver sa légitimité en matière d’éducation. Et si l’allongement du congé paternité, qui est passé de 11 à 25 jours en 2021, est un progrès majeur et un pas de plus vers l’égalité des sexes, cela reste insuffisant (notamment comparé aux 16 semaines attribuées aux femmes).

La société est-elle culpabilisante envers les pères ?

Bien sûr, notamment parce qu’elle est encore réticente à cette nouvelle distribution des places dans la famille. Ainsi, dans certaines entreprises, les pères sont encore victimes d’une forte pression de la part de leur employeur, qui les culpabilise quand vient le moment de prendre un congé parental. La situation est donc contradictoire : on demande aux pères de prendre une place auprès des enfants, qu’on ne leur accorde en réalité pas totalement.

© Halfpoint /Adobe Stock.

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Liberté, égalité, indemnités !

L’indemnisation proposée tous les mois pour un congé parental à temps plein est de 399 €, quel que soit le salaire, expliquant en partie la réticence des pères, puisque moins de 1 %* en profitent. Et comme les écarts salariaux entre les hommes et les femmes persistent, ce sont les mères qui prennent le plus souvent ce congé, le manque à gagner étant moins important. Pour remédier à cela, une étude** propose de calculer les indemnisations en fonction de la rémunération au moment de la naissance de bébé.

*Selon l’Insee.

**Hélène Périvier et Grégory Verdugo, « Cinq ans après la réforme du congé parental (PreParE), les objectifs sont-ils atteints ? », OFCE Policy bried 88, 6 avril 2021.

41 %

C’est le nombre de pères qui prendraient conscience de leur paternité progressivement et seulement après la naissance de leur enfant. Ce qui est moins le cas pour les mères, puisque la grossesse et l’allaitement renforcent très vite l’attachement. D’ailleurs, les pères sont souvent troublés face à ce lien charnel qui unit Maman à bébé…

(Selon une étude de l’UNAF, Être père aujourd’hui.)

Zoom sur Les « nouveaux » pères

Les pères ont aujourd’hui la volonté de donner à leurs enfants une éducation différente de celle qu’ils ont héritée. Ils souhaitent ainsi être plus présents, plus investis et plus à l’écoute. En comparaison à leur propre père, 14 % des papas d’aujourd’hui élèvent leurs enfants de la même manière, 38 % plutôt différemment, et 48 % de manière totalement opposée.

Dossier réalisé par Marie Greco.