Tout dire pour accompagner les parents

À la fin de la journée, les professionnels de la petite enfance communiquent aux parents des informations liées au change, au sommeil ou encore à l’alimentation des enfants. Ils font aussi des retours d’observation sur les activités ou les interactions de bébé, et tentent, le plus possible, de personnaliser leurs transmissions. « Tous les jours, j’essaie d’avoir a minima une anecdote à raconter sur chaque enfant, nous dit Andrew Matiasko. Car je souhaite profiter de ce temps d’échange pour créer une relation de confiance avec les parents, afin que nous puissions avancer main dans la main, dans un système de coéducation. » Ce à quoi Isabelle Catiau ajoute : « Le but est de maintenir un équilibre pour le bien-être de l’enfant et d’assurer une continuité entre son domicile et son lieu d’accueil. C’est pourquoi je pense qu’il est essentiel de ne rien cacher aux parents. Mon travail est en effet de partager mes observations avec eux, et faire le choix de ne pas tout dire peut, à mon sens, freiner le soutien que les adultes peuvent apporter à leur tout-petit. Je ne vais donc pas hésiter à faire part de mes préoccupations, d’autant qu’il arrive que je mette le doigt sur un petit souci et que j’invite les parents à consulter des professionnels de santé. »

Tout dire avec précaution !

La transparence est donc au centre des préoccupations des deux professionnels. Mais tous les parents n’ont pas les mêmes attentes ni la même sensibilité, c’est pourquoi les transmissions demandent des compétences en matière de communication. Ainsi, Isabelle Catiau nous apprend qu’il lui arrive de parler de ses propres erreurs et de ses difficultés en tant que maman pour rassurer les parents. Mais ce qui lui paraît essentiel, c’est de savoir trouver les bons mots, afin que les parents ne se sentent pas jugés dans leurs choix d’éducation : « Je bannis certains adjectifs de mon vocabulaire. Par exemple, je ne dirai jamais qu’un enfant en a tapé “très fort” un autre, tout comme je ne dirai jamais qui a été frappé, par souci de confidentialité. Il me semble inutile de donner tous les détails ou d’insister sur la “violence” d’un acte réalisé par un enfant en plein développement, qui n’a pas encore appris à gérer ses émotions. » Sur ce point, Andrew Matiasko rejoint l’assistante maternelle : « Si l’on souhaite accompagner au mieux un enfant, il est important d’être franc… tout en étant mesuré ! Par exemple, lorsqu’un bébé frappe ou mord à répétition, je vais en discuter avec les parents, mais je ne vais pas le leur répéter tous les soirs, pour éviter de les culpabiliser. Il est important de tout dire, mais il n’est pas nécessaire de ressasser les points négatifs. »

Tout dire et surtout le positif (quoique !)

Si les professionnels semblent opter pour tout dire, ils insistent néanmoins sur le positif : « J’aime valoriser les progrès d’un enfant auprès des parents. D’ailleurs, lorsque j’utilise des outils de transmission écrits, comme certaines applications, je fais en sorte que mes notes retracent l’évolution de bébé, mais je ne vois pas l’intérêt de ­rapporter le négatif sur ce support. Les écrits restent, et ce n’est pas essentiel de se souvenir que, tel jour, un enfant en a mordu un autre. » Pour autant, les deux professionnels sont d’accord sur le fait qu’il n’est pas essentiel de relater tout le positif. « Il arrive parfois que certains enfants fassent leurs premiers pas ou disent leurs ­premiers mots à la crèche. Dans ce cas, je préfère me taire, car je ne voudrais pas “voler” aux parents ce moment si unique, presque magique », nous apprend Andrew Matiasko. 

© M-image/Adobe Stock.

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Transmissions 2.0

S’ils utilisent encore parfois les cahiers de liaison comme outils de transmission, les professionnels de la petite enfance s’emparent progressivement des nouvelles technologies. Ainsi, des applications de messagerie instantanée ou spécialement dédiées à l’échange entre parents et professionnels sont désormais couramment utilisées. 

Big Brother…

De plus en plus d’assistantes maternelles font le choix d’installer des caméras chez elles. De cette façon, les parents peuvent se rassurer en se connectant à toute heure de garde pour voir ce que fait leur enfant. Mais ce système de vidéosurveillance pose problème : certains dénoncent un espionnage, d’autres au contraire ne voient rien d’inquiétant, tant que cette pratique reste à l’initiative du professionnel. Quoi qu’il en soit, il pose la question des limites du droit à la vie privée… des enfants et des assistantes maternelles.

Dossier réalisé par Marie Greco.