Quand on a un bébé ou un jeune enfant, le manque de sommeil peut vite devenir un problème compliqué à gérer au quotidien. Afin d’accompagner les parents*, nous avons interrogé Stephan Valentin, docteur en psychologie et spécialiste de la petite enfance. Il est notamment l’auteur d’une thèse sur le sommeil des bébés.

1/  Pour quelles raisons certains bébés ou jeunes enfants ne font pas leur nuit ? Est-ce biologique ?

Stephan Valentin : Au cours de la nuit, on peut se réveiller brièvement, ce qui est tout à fait normal. Parfois, on ouvre même les yeux. Le lendemain, on se souvient rarement de ces microréveils. Cela peut arriver à nous tous. Ces réveils peuvent causer un problème quand on n’arrive plus à se rendormir. Le bébé signale souvent cette difficulté en pleurant ou en criant. Il a besoin de ses parents pour être apaisé. Si avant l’âge de 6 mois, les parents sont conscients que les réveils nocturnes font partie du comportement « normal » du nourrisson car il y a le repas nocturne, après l’âge de 6 mois, beaucoup de parents estiment que leur bébé est capable de faire ses nuits. Pourtant, environ 30 % des bébés se réveillent en pleurs la nuit. Les causes peuvent être d’origine physiologique, psychologique, environnementale, ou liées au développement psychoaffectif du bébé. Une otite, faire ses dents, l’angoisse de séparation, un changement dans la routine quotidienne, la phase d’opposition… À chaque âge ses origines possibles. Aussi, il est important de comprendre pour mieux adapter sa réponse.

2/ Quelles sont les astuces pour les endormir ? Faut-il rester avec l’enfant jusqu’à ce qu’il s’endorme ?

Stephan Valentin : Tout dépend de l’enfant et de ses besoins, et aussi des convictions éducatives de ses parents et de leurs besoins à eux. On ne peut pas obliger des parents à se comporter d’une telle façon, s’ils n’en sont pas convaincus. En fait, toute la famille doit être d’accord avec l’agencement du sommeil. Personnellement, je conseille aux parents de rester avec leur bébé jusqu’à ce qu’il s’endorme pendant la première année. Il est souvent difficile pour un bébé de pouvoir s’endormir tout seul, car dormir signifie « devoir se séparer de maman et de papa ». Nous tous, nous avons nos rituels afin de pouvoir dormir : lire, regarder la télévision, écouter la radio… Un bébé a besoin aussi d’un rituel du sommeil et, si les parents sont d’accord, de la présence parentale. Sachant aussi que les besoins d’un enfant changent d’une phase à l’autre et qu’on ne doit pas craindre de devoir rester auprès de son enfant tous les soirs pendant des années…

Voici quelques conseils de base :

  • Couchez votre bébé seulement quand il montre les premiers signes de fatigue.
  • Habituez votre bébé à une heure de coucher régulière, qui respecte son rythme individuel.
  • Laissez votre bébé dormir dans la chambre parentale au moins pendant les premiers mois de la vie, si cela convient à vous et à votre bébé.
  • Instaurez un rituel du coucher qui satisfait les besoins de proximité, de rassurance, de sécurité et de tendresse avec ses parents et qui le prépare à la séparation de maman et papa.

3/ Quelles sont les erreurs à éviter ?

Stephan Valentin : Ignorer les besoins de son enfant peut aggraver les difficultés du sommeil.

Obliger l’enfant à dormir ne sert à rien, mais augmente la tension chez l’enfant et les parents. L’enfant va s’énerver, deviendra agité et anxieux et il ne dormira pas. Aller au lit ne devrait jamais être utilisé en tant que punition, afin d’éviter que le lit symbolise pour l’enfant sa mise à l’écart. 

4/ Et si l’enfant se réveille plusieurs fois la nuit, que faut-il faire ?

Stephan Valentin : Je donne beaucoup de conseils dans mon livre pour aider les parents à mieux gérer les réveils nocturnes de leur enfant comme par exemple : adaptez votre réponse aux cris et pleurs de votre bébé en fonction de son âge. Mais ne laissez jamais votre bébé crier jusqu’au désespoir. Donnez à votre bébé la possibilité de se rendormir tout seul avant d’intervenir quand il se réveille la nuit.

Je donne aussi l’exemple d’une famille qui m’a demandé conseil, car leur fils âgé de 18 mois pleurait chaque nuit. Je leur ai proposé de parler avec leur enfant. De lui dire que maman et papa n’en pouvaient plus, qu’ils étaient trop fatigués et que la nuit est faite pour dormir. Le père m’avait regardé d’un air « oui, bien sûr, le petit va nous comprendre… », mais il a suivi mon conseil et le petit a dormi la nuit suivante sans appeler ses parents. Je pense qu’il est très important de parler avec son bébé, de lui communiquer ses émotions. C’est la base de l’empathie.

5/ Certains enfants se réveillent la nuit en hurlant, ont des terreurs nocturnes, comment faire pour les aider ?

Stephan Valentin : Jusqu’à 20 % des enfants âgés de 2 à 6 ans (plus les garçons que les filles) sont sujets aux terreurs nocturnes. L’enfant pousse tout à coup un cri strident en signe d’une angoisse intense et d’une panique. Il se dresse dans son lit. Tout son corps et son visage reflètent les signes de la peur. Cela peut être très impressionnant pour les parents. Essayez de conserver votre calme, même si cette situation semble inquiétante et spectaculaire. Les terreurs nocturnes sont majoritairement inoffensives pour l’enfant. N’essayez pas de réveiller votre enfant. Il vaut mieux attendre la fin de l’épisode. Quand on réveille l’enfant, il semble confus et désorienté. Moins vous dérangez votre enfant, plus vite la terreur nocturne prend fin. Néanmoins, vous pouvez faire attention à ce que votre enfant ne se blesse pas. Par exemple, s’il donne des coups, mettez des coussins autour de lui pour qu’il ne se fasse pas mal en se cognant au lit. 

6/ Afin de pouvoir dormir, des parents abdiquent et acceptent leur enfant dans leur lit, que souhaitez-vous leur dire ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi certains enfants s’endorment uniquement en compagnie de leurs parents ?

Stephan Valentin : Tout d’abord, il est important de signaler que c’est aux parents et à leur enfant de décider ensemble s’ils dorment ensemble ou non. Les parents sentent le mieux ce qui peut apaiser leur enfant, ce dont il a besoin, et je conseille de se fier aussi à sa voix intérieure pour se laisser guider un peu dans son choix, si, oui ou non, l’enfant peut dormir avec eux. Et s’ils sentent que laisser dormir leur enfant avec eux est la solution dans cette situation précise, il n’y a aucune raison de ne pas le faire. On ne devrait pas toujours se mettre la pression en se jugeant ou en s’interdisant de répondre aux besoins actuels de son enfant, parce que cela ne correspondrait pas à notre culture occidentale qui conseille justement le « dormir seul ».

Le codormir, s’il est une exception par exemple quand l’enfant est malade, devrait être signalé à l’enfant justement comme exception pour qu’il ne prenne pas l’habitude de revenir toutes les nuits, si les parents ne le souhaitent pas. Il vaut mieux ne pas encourager non plus son enfant à dormir dans le lit parental vers l’âge de 3-4 ans en pleine phase œdipienne, car l’enfant se met avant tout entre papa et maman pour être sûr que rien ne « se passera » entre eux. De manière générale, le codormir se prépare pour protéger l’enfant.

À l’échelle mondiale, la plupart des nourrissons dorment tout contre la mère ou à proximité. En effet, le codormir a été observé dans une fréquence allant de 10 % à 100 % dans 175 cultures. Être près de maman et de papa, la nuit, peut rassurer un enfant qui a besoin de se sentir entouré pendant qu’il dort. Mais, là encore, il s’agit en général d’une phase. Chaque enfant va faire ses nuits et dormir seul quand il sera prêt à le faire.

Propos recueillis par Norédine Benazdia

Pour en savoir plus :
Mon bébé fait enfin ses nuits… et moi aussi, Stephan Valentin, La source vive éditions, 19,90 €.
Le site de Stephan Valentin :

*Sur Facebook, le groupe « Entre parents » met en relation des parents pour qu’ils s’apportent des conseils, astuces, soutien et bons plans. En cas d’impasse, un journaliste de Milan presse interroge un spécialiste afin d’obtenir des réponses à leurs questions.