Vous lisez Wakou avec votre enfant et vous vous demandez comment sont faites les photos d’animaux que nous publions ?
Rencontre avec le photographe Louis-Marie Préau, autour de son travail sur le fennec, un animal difficile à observer.
Bonjour Louis-Marie Préau,
Depuis combien de temps êtes-vous photographe animalier ?
J’ai acquis mon premier appareil photo à l’âge de 15 ans. Je suis professionnel et vis de ma passion depuis 2001.
Pourquoi avoir choisi ce métier ?
Depuis tout jeune, j’aime parcourir la nature et y découvrir les animaux sauvages qui y vivent. J’aurais pu choisir le métier de biologiste pour étudier la vie des animaux mais mon parcours scolaire n’a pas été formidable. L’image est pour moi un bon moyen d’être au contact de la faune sauvage et de participer à sa protection.
Est-ce que vous pensez que les photographes animaliers ont un rôle à jouer pour la protection des animaux et, au-delà, pour la protection de la biodiversité ?
Sans aucune prétention, j’en suis persuadé. Mes images ont déjà été utilisées dans de nombreuses campagnes de protection par des associations comme la LPO, l’ASPAS ou encore Birdlife… Je pense aussi qu’une simple image publiée, par exemple le fennec dans Wakou, participe à une meilleure compréhension et aide les jeunes, qui sont déjà très réceptifs, à aimer et donc à respecter la vie sauvage.
Venons-en à votre travail dans le Sahara, un milieu éprouvant et inhospitalier. Les conditions de travail n’étaient pas trop difficiles ?
Le Sahara peut passer du très agréable au très dur, les températures peuvent être plutôt clémentes comme très chaudes et insupportables. Pas plus tard que début mai dernier, nous avons dû subir une terrible tempête de sable qui a duré huit jours, avec des températures allant jusqu’à 45 °C. La seule solution était d’aller à l’oasis la plus proche afin d’échapper à cet enfer. Mais souvent les journées sont calmes et les nuits magnifiquement étoilées…
Était-ce votre premier travail photographique dans le Sahara ?
Non, ce n’était pas mon premier travail. J’ai découvert le Sahara égyptien il y a une dizaine d’années, lors d’une commande du magazine Terre Sauvage. Depuis, je suis tombé amoureux de ce milieu si particulier qui accueille une faune tout aussi étonnante et très spécialisée.
Comment avez-vous découvert cette famille de fennecs ? Aviez-vous un guide ?
Ma compagne est une biologiste tunisienne et a deux amis anciens nomades, qui connaissent très bien le Sahara. Depuis six ans, ses amis qui sont devenus aussi les miens m’aident à découvrir le fennec, qui reste très discret et méfiant. Nous avons trouvé cette famille après plus de dix jours de prospection. Plusieurs jours d’affût ont été nécessaires pour que le fennec accepte ma présence et daigne se montrer de jour.
Combien de temps avez-vous passé dans le Sahara pour réaliser votre reportage ?
Ma première rencontre avec le fennec était en janvier 2008 en Égypte, et voilà maintenant six ans que je passe deux à trois semaines, tous les ans, dans le Sahara tunisien ou marocain, principalement pour observer le fennec, mais aussi les autres animaux.
Le fennec sort surtout la nuit pour chasser. Quelles étaient les conditions pour le photographier ?
Les fennecs adultes sortent souvent avant la nuit. Ne voulant pas utiliser de flash (qui pour moi dénature la scène), j’ai donc utilisé ce créneau crépusculaire d’une à deux heures de prise de vue. Lorsque la température n’est pas trop élevée, les jeunes peuvent parfois sortir en pleine journée et jouer devant le terrier. J’utilise un affût (petite tente très basse) avec une toile couleur sable que j’installe en milieu de journée, lorsque les fennecs dorment. Pour éviter la chaleur de la surface du sable et mieux me cacher, je creuse un peu la dune.
J’utilise un objectif de 500 mm pour être suffisamment loin, j’utilise aussi une housse pour supprimer le claquement du déclenchement du boîtier photo car, avec ses grandes oreilles, le fennec entend le moindre bruit. Je n’oublie pas non plus mes 3 litres d’eau, souvent nécessaires durant les trois à cinq heures d’affût.
Est-ce que vous dormiez sur place, dans le Sahara, le temps de ce reportage ? Dormiez-vous sous une tente près du lieu d’observation ? Retourniez-vous dans un camp de base ?
Nous installons le camp en plein désert à environ 1 km du territoire du fennec. Il faut, bien sûr, emporter pas mal de provisions avec une grande glacière et de gros bidons d’eau, pour rester au minimum une dizaine de jours. Parfois nous rencontrons des nomades chameliers, qui nous offrent du délicieux lait de dromadaire.
Le fennec est très difficile à observer. En prenant vos photos, saviez-vous que vous étiez en train de réaliser un reportage incroyable ?
En effet la plupart des images que l’on voit sur Internet ou dans les magazines proviennent malheureusement d’animaux captifs ou apprivoisés. Il faut savoir que le fennec est protégé au niveau international et qu’il est normalement interdit de le capturer ou de le tuer. Nous sommes donc très peu de photographes dans le monde à avoir réalisé un reportage assez fourni, bien qu’encore perfectible, sur ce magnifique petit renard des sables.
En tant que photographe animalier professionnel, quand savez-vous que votre reportage est terminé ?
J’ai toujours dans la tête des images à réaliser, que j’ai vues lors des observations lointaines que j’ai pu faire. De plus, je suis rarement complètement satisfait de mes images. Je pense donc continuer à travailler sur les fennecs mais j’ai aussi le projet d’aller voir et photographier les autres déserts du monde.
© Histoire en photos sur le fennec, Wakou n° 339 juin 2017. Interview de Louis-Marie Préau par Clara Recordier.