Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l'éducation

 

 

Grégoire Borst est Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l’éducation et Directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’éducation de l’enfant (LaPsyDÉ – CNRS). Il a accompagné l’élaboration de la nouvelle formule du magazine Toboggan et revient sur les enjeux de l’apprentissage de la lecture.

La rédaction : Quelles sont les principales difficultés que rencontre un enfant lorsqu’il apprend à lire ?

Grégoire Borst : La principale difficulté que l’enfant doit affronter en apprenant à lire, c’est d’arriver à associer les phonèmes, c’est-à-dire les sons, avec la façon dont on les écrit, les graphèmes. En français, ces sons ne correspondent pas forcément à l’écriture : ils ne sont pas transparents.

Pour cette raison, apprendre à lire en français est beaucoup plus difficile que dans d’autres langues, comme l’italien ou l’espagnol par exemple. Il y a une longue phase de décodage, qui prend plusieurs années.

Et lorsque cette étape du décodage est enregistrée, une autre difficulté se présente : celle de la compréhension du texte. L’enfant doit alors faire appel à sa mémoire pour comprendre ce qui se passe entre le début et la fin d’une phrase, puis d’un paragraphe… pour comprendre l’histoire dans son ensemble.

 

La rédaction : Dans vos travaux, vous soulignez l’importance du jeu dans l’apprentissage de la lecture. En quoi est-ce utile ?

Grégoire Borst : De façon globale, le jeu est une situation dans laquelle l’enfant développe beaucoup de compétences qui lui serviront dans sa vie, comme le respect des règles, la coopération, la gestion de l’échec, etc.

Et certaines de ces compétences servent directement dans le cadre de l’apprentissage de la lecture. C’est le cas de la capacité de concentration par exemple : jouer apprend à l’enfant à se concentrer, ce qui l’aidera ensuite à se concentrer sur le décodage d’un texte.

De plus, le jeu est associé au plaisir : on apprend beaucoup mieux en s’amusant, car ce n’est pas vécu comme une contrainte.

 

La rédaction : Vous relevez aussi qu’il est important que les parents continuent à lire des histoires à leur enfant, même quand il commence à lire seul. Pourquoi ?

Grégoire Borst : Là aussi, c’est une question de plaisir. La lecture, c’est un plaisir parce qu’on est plongé dans une histoire. C’est divertissant.

Mais au début, le jeune lecteur n’est pas capable de comprendre ce qu’il lit car son attention est accaparée par le décodage. Pour éviter que la lecture ne devienne une contrainte, il a besoin du relais de l’adulte pour lui lire des histoires. Ça l’aide à comprendre l’intérêt de ses efforts d’apprentissage sur le long terme : s’il travaille dur aujourd’hui, il aura bientôt le plaisir de la lecture par lui-même.

Ce partage avec l’adulte, cette attention conjointe sur un même objet – le livre – aide aussi l’enfant à développer son vocabulaire, car l’adulte est en mesure de s’arrêter sur les mots compliqués et de les expliquer à l’enfant.

 

Couverture Toboggan magazine nouvelle formule - septembre 2022La rédaction : D’après vous, en quoi la nouvelle formule du magazine Toboggan répond à ces différents enjeux et peut accompagner les enfants dans leur apprentissage de la lecture ?

Grégoire Borst : Plusieurs points sont intéressants dans cette nouvelle version du magazine… à commencer par sa démarche de progressivité. Le fait de faire évoluer les rubriques au fil de l’année scolaire, avec plus de simplicité en septembre et vers plus de complexité au printemps, va permettre de coller à la progression des enfants dans leur apprentissage de la lecture.

Ensuite, il y a une vraie prise en compte des principes de l’apprentissage de la lecture. Cela passe, par exemple, par la répétition de mots de vocabulaire, ce qui aide l’enfant à les intégrer, ou encore l’utilisation de polices de caractères adaptées au décryptage.

Enfin, la présence forte du jeu et de rubriques qui font appel au plaisir de la découverte vont inciter l’enfant à s’impliquer dans la lecture. Et, au passage, de développer son vocabulaire et d’améliorer sa rapidité de décodage des mots.