Depuis quelques semaines, votre enfant discute avec son ami imaginaire, réclame qu’on lui mette une assiette à table et demande même à ce que vous prépariez sa valise pour partir en vacances… Pour Brune de Bérail, psychologue clinicienne et docteure en psychopathologie, vous n’avez aucune raison de vous inquiéter, votre enfant grandit. Elle a ainsi accepté de répondre à nos questions.
Les enfants ont-ils tous, un jour, un ami imaginaire ?
Brune de Bérail : Pas forcément. Il faut savoir qu’un ami imaginaire n’est pas toujours invisible. Le plus souvent, il est incarné dans un jouet ou un doudou, par exemple. Le point commun entre l’ami imaginaire invisible ou incarné, c’est qu’il a une personnalité stable sur une période plus ou moins longue. Ainsi, les dernières études ont montré qu’entre l’âge de 2 et 12 ans 75 % des enfants ont un ami imaginaire, certains pendant quelques semaines, et d’autres durant des années.
Avoir un ami imaginaire signifie-t-il quelque chose ?
Cela signifie que l’enfant a de l’imagination et de la créativité. En général, l’ami imaginaire est un objet transitionnel comme la peluche ou la sucette. Il fait partie de sa croissance et du développement de sa subjectivité. Avec l’ami imaginaire, l’enfant investit sa pensée et sa relation à lui-même. C’est une étape vers le dialogue intérieur. En bref, votre enfant grandit !
Pourquoi émerge-t-il ?
La fonction de cet ami imaginaire est d’aménager les angoisses de séparation et de les rendre supportables. La plupart du temps, l’ami imaginaire vient rassurer l’enfant et l’aide à surmonter les difficultés liées à un déménagement, un deuil, la naissance d’un cadet…
Comment les parents peuvent-ils accompagner l’enfant ?
Les parents peuvent tenter de comprendre quelle inquiétude éprouve l’enfant. Par exemple, dans le cas d’un déménagement, l’enfant peut craindre de ne pas avoir de nouveaux amis, ou que les parents soient moins disponibles avec leur nouveau travail. Et pour ça, il n’y a pas de secret, il faut discuter avec l’enfant. Et ainsi on peut le rassurer.
À quel moment faut-il s’inquiéter ?
On s’inquiète si l’ami imaginaire est méchant avec l’enfant ou si c’est un jumeau parfaitement identique à l’enfant. Dans ces cas, il faut consulter car cela marque une fragilité et un grand manque de confiance en soi. Par contre, si votre enfant accuse son ami imaginaire d’avoir fait une bêtise, cela signifie simplement que l’enfant a acquis les règles et c’est une bonne chose.
Faut-il jouer le jeu et aller jusqu’à mettre une assiette à table pour l’ami imaginaire ?
Le compagnon imaginaire est la pensée de l’enfant. Allez-vous laisser une place à sa pensée ? Oui ? Il faut donc lui mettre une assiette. Par contre, si l’enfant utilise l’ami imaginaire pour établir une tyrannie, on ne laisse pas faire, on pose une limite. Car vous ne voulez certainement pas que votre enfant développe une pensée tyrannique.
Que faut-il éviter de faire alors ?
Il ne faut pas faire semblant de dialoguer avec le compagnon imaginaire ou de le voir. Il faut passer par l’enfant et lui demander ce que son ami imaginaire fait ou dit. Sinon, c’est angoissant pour l’enfant. Il perdrait le contrôle de la limite entre le réel et l’imaginaire. Et le rôle des parents est de les aider, pas de compliquer.
Comment vaincre cet ami imaginaire s’il devient trop envahissant ?
Il existe plusieurs méthodes. L’enfant peut écrire ou faire du théâtre, il trouvera ainsi une nouvelle manière de dialoguer avec lui-même intérieurement et la présence de l’ami imaginaire sera alors inutile.
Propos recueillis par Norédine Benazdia.