Le 25 juillet 2022, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) se voit confier une mission sur la qualité d’accueil des EAJE*. Après avoir auditionné les parents, les acteurs et actrices de la petite enfance, la mission dresse un constat préoccupant. Picoti propose un état des lieux de ce secteur en crise et des solutions envisagées.

(* Établissements d’accueil du jeune enfant.)

Un accueil des bébés involontairement négligé

Les nourrissons sont dotés d’une sensibilité et leur environnement impacte considérablement leur développement. Ainsi, un accueil de qualité dans les EAJE devrait tenir compte du rythme de chaque enfant et contribuer au renforcement de ses liens affectifs. Or, les contraintes du personnel ne laissent que peu de place à l’accompagnement individuel des tout-petits. Les salariés sont souvent amenés à travailler «à la chaîne», allant jusqu’à minuter les changements de couche ou les préparations de biberon. Il n’est alors pas évident de répondre aux besoins des enfants dans de telles conditions, surtout des nourrissons, qui demandent une attention quasi permanente et qui ont besoin d’un quota de sommeil difficile à respecter dans les crèches. La mission recommande donc que l’accueil des enfants dans les EAJE soit davantage pensé selon les tranches d’âge, voire que la durée et la rémunération des congés maternel et paternel soient révisées, afin d’allonger la présence parentale auprès du bébé pendant sa première année de vie. Ce qui permettrait, par la même occasion, de faire baisser les effectifs au sein des crèches… car les places sont chères !

Un manque de places

En France, 1 enfant sur 5 est gardé par ses parents, faute de places dans les EAJE. Face à ces difficultés, la Première ministre, Élisabeth Borne, a annoncé le 1er juin dernier la création de 200 000 places d’ici 2030 et un déblocage de 5,5 milliards d’euros pour l’accueil du jeune enfant. Un engagement qui semble illusoire pour les professionnels, compte tenu de la pénurie de personnel dans le secteur…

Un cercle vicieux

Les difficultés de recrutement expliquent en partie le manque de places dans les crèches et la suractivité des employés. Avec près de 10 000 postes inoccupés, les conditions de travail, déjà difficiles pour les professionnels actifs, se dégradent davantage, ce qui ne participe pas à l’attractivité des métiers de la petite enfance. Une campagne d’information et de revalorisation de ce secteur d’activité pourrait, dans un futur proche, améliorer le regard porté sur ces métiers. Mais, à l’heure actuelle, le besoin urgent de personnel nuit considérablement à la qualité du recrutement. Ainsi, à l’embauche, les compétences ne sont pas forcément vérifiées, d’autant que le niveau de formation tend à se dégrader. La mission préconise donc de renforcer les liens entre les laboratoires de recherche et les instituts de formation afin de consolider les connaissances des étudiants, mais aussi de contrôler, tous les cinq ans, les qualifications du personnel formé.

Des risques de maltraitance

C’est un fait : les difficultés évoquées conduisent à des risques de maltraitance. D’autant plus que le nombre de tout-petits dont s’occupe chaque salarié est si important qu’il représente un danger pour les enfants et les professionnels eux-mêmes. Les nuisances sonores, le stress et la fatigue favorisent en effet la négligence et peuvent parfois mener jusqu’à des violences, intégrées et banalisées dans les équipes. Pour éviter ces risques, il serait nécessaire de réglementer le taux d’encadrement pour se rapprocher d’un ratio de garde de cinq enfants par adulte. Car, entre les violences physiques et psychologiques, les forçages alimentaires et les humiliations, il y a de plus en plus de signalements… mais pas encore suffisamment ! L’IGAS considère que la PMI (protection maternelle et infantile) n’est pas assez clairement identifiée comme relais de réclamations au sein des établissements et chez les parents. Il y a un manque d’information sur le rôle des PMI, qu’il devient urgent de rectifier !

Quantité ou qualité ?

La plupart des financements des EAJE reposent sur le nombre total d’heures de garde des tout-petits («occupation horaire») et la facturation des familles. Ce système ne tient pas compte du temps «hors enfants», pourtant nécessaire à l’organisation de réunions d’équipe et à la mise en place de projets pédagogiques. Ainsi, les professionnels ont la sensation que ce fonctionnement favorise le «remplissage» plutôt que la qualité de l’accompagnement. La mission préconise donc une modification des modalités de financement, afin d’inverser la tendance. 

© ONOKY-Éric Audras/Getty Images.

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« Amusez-vous bien ! »

Voici une injonction souvent prononcée par les parents lorsqu’ils laissent bébé à la crèche et qui hérisse le poil des professionnels. Elle témoigne d’une vision réductrice des métiers de la petite enfance, alors perçus comme des emplois «récréatifs». Cette phrase, souvent déclamée sans arrière-pensée, participe en réalité à la vision dégradée de ces métiers.

En quelques chiffres

50 % des crèches déclarent avoir un poste d’accompagnant vacant depuis plus de 3 mois.

Le nombre d’offres d’emploi dans le domaine de la petite enfance a été multiplié par 2 en 5 ans.

La région île-de-France concentre à elle seule 41 % des postes vacants.

130 000 assistantes maternelles partiront en retraite d’ici 2030.

Dossier réalisé par Marie Greco